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Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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retour que je trouvai cet âne, qui ne m’a plus
quitté depuis. Il va où il veut. Il fait ce qu’il veut. C’est un âne, mais il
est plus intelligent que moi. Et plus vieux, j’en ai peur.
    Pierre et le père de Massada considérèrent gravement
l’animal, qui s’était éloigné de quelques pas.
    — Que voulez-vous faire ? demanda Abraham.
    — Repartir seul, puisqu’il désire rester ici. Je suis
sûr que c’est lui qui a mis ces bandits sur ma route. Peut-être même vous y
a-t-il mis vous aussi, afin que nous nous croisions et que je vous le donne.
    L’âne avait dressé la tête et regardait Abraham.
    — Prenez-le, dit Pierre. Il est à vous.
    — Mais…
    — Vous m’avez sauvé la vie. Prenez-le comme récompense,
il vous portera chance.
    Abraham ne savait que faire. Mais l’âne, lui, semblait avoir
choisi son maître. Il vint auprès d’Abraham, et se tint tranquillement à ses
côtés, le poussant gentiment de la tête.
    — Caressez-le entre les oreilles, il adore ça,
conseilla Pierre l’Ermite.
    Abraham, tout en passant la main entre les longues oreilles
pelées de l’âne, demanda :
    — Comment s’appelle-t-il ?
    — Carabas.
    Et c’est ainsi que l’âne de Pierre l’Ermite entra dans la
famille d’Abraham.
    À la mort de son père, Massada hérita de ses biens, et donc
de Carabas. Celui-ci était déjà vieux, c’était en 1144, l’année de la chute
d’Édesse. Massada n’avait jamais cru à l’histoire de son père. Mais en 1187,
alors que la chrétienté venait de connaître sa plus grande défaite et que
Jérusalem était menacée, Massada portait sur son âne un regard légèrement
différent.
    Il devait avoir à peu près cent ans. « Au moins cent
ans, pensa Massada, puisqu’il était déjà vieux quand mon père l’a
trouvé. »
    Bref, c’était un âge qu’aucun âne n’avait jamais atteint.
    Et, si l’âne avait presque cent ans, pourquoi ne serait-il
pas l’âne du plus grand des prédicateurs de ces dernières années, Pierre
l’Ermite – celui qui disait si souvent que la fin du monde était proche,
l’Apocalypse imminente ?
    Cet âne avait une valeur incommensurable.
    Massada détenait donc une véritable relique. Il commit
l’imprudence de s’en ouvrir à sa femme, ce qui causa leur perte. Fémie ne put
s’empêcher de s’en vanter auprès de l’épouse d’un concurrent. Cette dernière le
répéta à son mari, et celui-ci se rendit au château de La Fève, où stationnait
une importante troupe de Templiers. Heureusement, Fémie fut avertie par la sœur
d’un homme dont le cousin était turcopole au château de La Fève que la garnison
était au courant – ce qui permit à Massada de fuir avant l’arrivée des
soldats.
    Avoir caché à l’évêché de Nazareth qu’il possédait une
relique aussi vénérable lui vaudrait la mort, à coup sûr.
    À Jérusalem, Héraclius serait furieux.
    Massada, qui dans sa fuite précipitée avait abandonné son
apprenti et perdu tous ses biens, voulait aller à Damas afin d’acheter un
assistant à vil prix. La bataille de Hattin avait eu pour conséquence la mise
sur le marché de près de trente mille esclaves, provoquant un effondrement des
cours. On pouvait s’offrir un adulte en bonne santé pour une paire de sandales,
un jeune homme pour une lance, un couple et son enfant pour une chèvre. Massada
voulait justement s’offrir un adolescent tout juste sorti de l’enfance, afin de
remplacer son ancien apprenti. Or, par un curieux hasard, et comme au fait des
intentions de son maître, Carabas se dirigea de lui-même vers Damas.
     
    Ils voyagèrent pendant un peu plus d’une journée sur une
route bordée de lauriers-roses qui serpentait entre des collines. Le soleil
chauffait l’herbe jaunie ; des crevasses fendillaient la terre. De temps à
autre, de fins jets de vapeur s’en échappaient et montaient vers le ciel en
sifflant. On n’entendait que des bourdonnements de mouches et le chant des
cigales ; çà et là, des cadavres finissaient de se putréfier. Certains
faisaient la grimace ; d’autres n’avaient même plus de quoi sourire.
    Silencieux, Massada et Fémie gardaient les yeux fixés sur la
route, qui ondulait devant eux. Ils se sentaient immobiles, comme si c’était le
paysage qui se mouvait et non la carriole, tant son allure était tranquille et
lent le pas de l’âne.
    Vers midi, un jappement les surprit. Une petite chienne se
tenait au milieu du

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