Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Coeur de la Croix

Le Coeur de la Croix

Titel: Le Coeur de la Croix Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
Vom Netzwerk:
« impiété »…
    Morgennes n’avait que faire de tout cela.
    Le paradis, s’il existait, ne pouvait se gagner par la
souffrance ou par la joie, ne se méritait pas en priant, ne s’achetait pas en
faisant des dons d’argent à l’Église, au Temple ou à l’Hôpital, ni en payant
des pèlerins professionnels afin qu’ils aillent prier à Jérusalem en votre nom.
La tombe de Jésus n’était pas un endroit, c’était une image, une idée. Un état
d’esprit. Peu importait d’ailleurs la tombe de Jésus, ou Jérusalem, ou la
Sainte Croix… Peu importait le paradis même !
    Tout ce que Morgennes avait traversé pour rester en vie, son
reniement, sa damnation, son déshonneur, perdait son sens.
    Il sentit une rage monter en lui, une rage venue tout droit
de sa jeunesse, quand il crachait et montrait son poing aux nuages, tout là
haut dans le ciel, sans savoir pourquoi. Une rage incomprise et peut-être
incompréhensible, une soif d’être qu’il avait cru éteinte, ou plutôt atténuée, contrôlée,
quand il était à l’Hôpital, et avant cela, quand il était parti pour la Terre
promise, et même avant cela, quand il était entré au service de Philippe
d’Alsace, et encore avant quand il avait quitté… Quoi ? Qui ? Il ne
se le rappelait pas. Dans quel avant, dans quel autrefois fallait-il aller pour
trouver la paix ? Existait-elle seulement quelque part ? Et cette
rage ? Celle-ci, à vrai dire, n’était pas encore éteinte. Elle était comme
ces feux qui, dans le foyer semblent se réduire, s’amenuisent jusqu’à se faire
cendres, et puis, un souffle de vent, un fagot qui tombe, une main qui attise,
et la flamme repart de plus belle. Sous la cendre, il y avait une braise.
Encore incandescente. Endormie, on l’avait réveillée, puis nourrie.
    Morgennes n’avait toujours pas trouvé la paix. Pourtant, il
n’avait pas de ces emportements sauvages qui souvent s’emparaient des autres
chevaliers, ou de ses ennemis, et les faisaient se jeter les uns contre les
autres avec frénésie, poussant des cris de hyène, ravis d’être au combat, ne
sachant plus pourquoi ils se battaient. Non qu’il ne mît de l’application à se
battre, mais il s’efforçait, autant que possible, de garder la tête froide.
    Après ce qu’il avait fait, aller au paradis ou en enfer lui
importait assez peu. Il fallait retrouver la Vraie Croix. Souvent, il
s’efforçait de prier, tendait à devenir un mouvement, une pensée fixée sur il
ne savait quoi, priait sans rien demander, sans penser un instant qu’il pouvait
demander – ce qui était étrange quand on le connaissait, et ne
s’expliquait pas.
    Pour lui la prière était ce qu’il y avait de plus difficile.
Savoir bien prier ne s’apprend pas ; ce n’est ni un élan du cœur, ni un
élan de l’âme, ni la récitation de psaumes – même si cela peut aider.
Prier c’est autre chose. Quoi, il n’aurait su le dire, mais c’est prier qui est
dur, pas de croire en Dieu. Dieu, c’est l’accessoire.
     
    Soudain, quelques cailloux roulèrent sous les sabots de
l’âne, puis sous les roues de la carriole. Fémie dormait. Massada, lui,
continuait de tenir les rênes de Carabas, qui poursuivait sa route à petits
pas. Morgennes se sentit observé – mais comment ne pas l’être dans le
djebel Ansariya, quand on a le krak partout autour de soi ? Que
faire ? Reculer ?
    Non, il était trop tard, ils n’avaient plus le choix. Ils
devaient continuer.
    Soudain, un cri d’oiseau attira l’attention de Morgennes. Il
leva la tête et vit voler au-dessus d’eux un faucon immense, aux ailes
déployées. « Décidément, se dit Morgennes, tout me rappelle Cassiopée
aujourd’hui… »
    Il eut alors un mauvais pressentiment.
    — Descends ! souffla-t-il à Yahyah pour l’inciter
à s’abriter.
    — Inutile ! dit une voix. Vous êtes cernés !
    Fémie s’éveilla et s’emmitoufla dans sa couverture en laine.
Morgennes garda son calme, Massada se lamenta : « Jérusalem ! Ô
Jérusalem ! C’en est fini de nous ! Ô mon Dieu, qu’ai-je
fait ? »
    Une demi-douzaine d’arbalétriers et de fantassins sortirent
brusquement des ténèbres, arme à la main, et les entourèrent – la garde du
krak. À l’heure qu’il était, la garnison de la place forte était déjà prévenue
de leur arrivée, même si on ne savait pas encore qui ils étaient.
    Une autre voix s’éleva dans l’obscurité. Celle d’un homme en
armes. On ne

Weitere Kostenlose Bücher