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Le combat des ombres

Le combat des ombres

Titel: Le combat des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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discriminations n'avaient pas cessé depuis le vi e  siècle, sauf peut-être lorsque Louis le Pieux avait pris les juifs sous sa protection. L'accalmie avait persisté quelque temps, avec des hauts et des bas, pour voler en éclats, lorsque Philippe Auguste, profitant de l'animosité du peuple, les avait expulsés, confisquant leurs biens et annulant les créances de leurs emprunteurs, au nombre desquels le royaume. Une ronde affaire. Philippe le Bel devait suivre les traces de son illustre aïeul en ordonnant, quelques mois auparavant 4 , l'expulsion de tous les juifs du royaume, malgré l'opposition de certains de ses seigneurs peu désireux de perdre la manne commerciale qui affluait grâce à ces sujets redevenus indésirables. Certains, tel monseigneur d'Authon, s'offusquaient d'une chasse aux sorcières qui renaissait périodiquement, notamment lorsque le royaume était lourdement endetté auprès des banquiers juifs.
    – Vont-ils nous traquer telles des bêtes ?
    – À l'évidence, s'ils apprennent que nous sommes juifs.
    – Elle le sait.
    – Elle ne dira rien, même s'ils la tourmentaient. Ne t'inquiète. Mon maître m'a promis de m'aider à partir pour la Provence ou le royaume de Naples où Charles II d'Anjou, cousin de Philippe le Bel, a compris quel profit il pouvait tirer de notre labeur. Si les fauves se rapprochaient trop de nous, je ne t'abandonnerais jamais, Sarah. Tu me suivrais. Artus d'Authon fait partie de ces hommes de véritable honneur qui ne renieront jamais une parole offerte, même s'ils doivent en pâtir. Pour l'instant, notre meilleure défense est de demeurer sous sa protection et de cacher notre foi. Où se trouve ta jeune sœur Adèle ?
    – Elle s'occupe du poulailler.
    – Je la rejoins.
    Elle suivit du regard le dos que les ans n'étaient pas parvenus à voûter. Elle se souvenait. Elle détestait se souvenir. Pourtant, malgré ses efforts, la terreur de ce début de soirée et l'agonie de ces mois resteraient à jamais gravées dans son esprit et dans sa chair.
    Elle rentrait chez elle, dans cette rue aux Juifs où on les avait parqués afin de les surveiller plus aisément. Au fond, Sarah ne s'offusquait pas de cette mesure. Ainsi se retrouvaient-ils tous ensemble, se rassuraient-ils de la présence des autres. Pas ce soir-là. Elle avançait d'un pas vif, inquiète de l'obscurité qui s'installait déjà. Ils étaient sortis d'une taverne à cet instant et s'étaient gaussés en apercevant son voile. Ils lui avaient emboîté le pas, s'esclaffant. Elle avait pressé l'allure. L'ivresse aidant, leur jovialité s'était vite métamorphosée en hargne obscène. L'un avait arraché son voile, l'autre l'avait poussée avec violence, au point qu'elle avait failli choir à plat ventre dans le caniveau. Ne pas se mettre à courir. Ils la prendraient aussitôt en chasse. Rejoindre la rue aux Juifs. Quelques rares passants avaient observé la scène, se gardant d'intervenir.
    – Alors la belle gueuse. Paraît que vous autres n'aimez pas les mamours chrétiens ? Vous avez tort. On sait traiter les dames ! lança une voix avinée derrière son dos.
    – Sauf que c'est pas une dame, c'est une juive.
    – Paraît qu'elles sont girondes et chaudes, compléta la troisième voix égrillarde.
    Sous les commentaires concupiscents d'ivrognes, la haine. Sarah la percevait aussi distinctement qu'un mur, massif.
    La suite, un cauchemar. Ils l'avaient traînée sous une porte cochère, vers un petit immeuble, dans une arrière-cour. Elle avait hurlé et hurlé encore. Les gifles et les coups de poing avaient plu. Ils l'avaient violée à tour de rôle, au milieu de leurs fous rires. Une peau huilée s'était rabattue sur une des fenêtres du petit immeuble. Un habitant lassé du spectacle. Elle avait cessé de hurler. Une éternité de minutes après leur départ, assise sur les pavés de la cour, Sarah avait enfin pu sangloter. Une femme âgée était sortie de l'immeuble. Elle avait soupiré :
    – Ça sert à rien de pleurer, ma fille. Crois-moi. Ils t'ont pas découpée, c'est toujours ça. Relève-toi. Suis-moi. Je te prépare une cuvette pour que tu puisses te laver. Va bien au fond. Peut-être que t'éviteras le marmot.
    Elle ne l'avait pas évité. Elle était rentrée tête nue rue aux Juifs. Les marques de coup avaient enflé sur ses joues. Sarah avait admis qu'elle avait été malmenée, injuriée. Rien d'autre. Lorsqu'elle avait compris qu'elle était

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