Le combat des ombres
distinguer l'inquisition médiévale de la Sainte Inquisition espagnole. Dans ce dernier cas, la répression et l'intolérance furent d'une violence qui n'a rien de comparable avec ce que connut la France. Ainsi, plus de deux mille morts sont recensés en Espagne durant le seul mandat de Tomás de Torquemada.
L'Inquisition médiévale est d'abord exercée par l'évêque. Le pape Innocent III (1160-1216) pose les règles de la procédure inquisitoire par la bulle Vergentis in senium en 1199. Son projet n'est pas l'extermination d'individus. Pour preuve le concile de Latran IV, un an avant sa mort, soulignant l'interdiction que l'on applique l'ordalie 1 aux dissidents. Le souverain pontife vise l'éradication des hérésies qui menacent les fondements de l'Église en brandissant, entre autres, la pauvreté du Christ comme modèle de vie – modèle peu prisé si l'on en juge par l'extrême richesse foncière de la plupart des monastères. Elle devient ensuite une Inquisition pontificale sous Grégoire IX, qui la confie en 1232 aux dominicains et, dans une moindre mesure, aux franciscains. Les mobiles de ce pape sont encore plus politiques lorsqu'il renforce les pouvoirs de l'institution pour la placer sous sa seule autorité. Il lui faut éviter à tout prix que l'empereur Frédéric II ne s'engage lui-même dans cette voie pour des motifs qui dépassent largement le cadre spirituel. C'est Innocent IV qui franchit l'étape ultime en autorisant le recours à la torture dans sa bulle Ad extirpanda , le 15 mai 1252. La sorcellerie sera ensuite assimilée à la chasse contre les hérétiques.
On a exagéré l'impact réel de l'Inquisition qui, étant entendu le faible nombre d'inquisiteurs sur le territoire du royaume de France, n'aurait eu que peu de poids si elle n'avait reçu l'aide des puissants laïcs et bénéficié de nombreuses délations. Cela étant, grâce à leur possibilité de se relever entre eux de leurs fautes, quelles qu'elles fussent, certains inquisiteurs se révélèrent coupables d'effarantes monstruosités qui provoquèrent parfois des émeutes populaires ou des réactions scandalisées de plusieurs prélats.
En mars 2000, soit environ huit siècles après les débuts de l'Inquisition, Jean-Paul II demande pardon à Dieu pour les crimes et les horreurs qu'elle a commis.
Juifs. Les brimades, discriminations et exécutions n'ont pas cessé depuis le vi e siècle, sauf lorsque Louis le Pieux (814-840) prend les juifs sous sa protection, créant une charge de « maître des juifs », chargé de veiller au respect de son appui. Une paix relative s'installe, grâce, notamment, à l'ouverture de saint Bernard, effaré par l'animosité de certains croisés qui cherchent à ranimer la haine antisémite en brandissant la culpabilité des juifs dans la Passion du Christ. Elle ne durera pas. La haine est ensuite avivée par des rumeurs de meurtres rituels. Des communautés juives sont accusées, sans aucune preuve, ni même que l'on ait retrouvé de cadavre, de sacrifier des enfants chrétiens. Ces rumeurs sans fondement seront à l'origine de l'extermination de la communauté juive de Blois, poussée sur le bûcher (1171). Philippe Auguste, profitant de l'animosité du peuple, expulse ensuite les juifs en 1182, confisquant leurs biens et annulant les créances de leurs emprunteurs, au nombre desquels le royaume de France. Louis IX (Saint Louis) ne sera pas en reste alors que l'Inquisition commence d'assimiler le judaïsme à une hérésie. Il fait brûler à Paris vingt-quatre charrettes de manuscrits talmudiques au prétexte qu'ils détournent les fidèles du seul Livre, la Bible. Les conversions contraintes au christianisme se multiplient alors, sans compter celles inspirées par la peur. Le IV e concile de Latran marque une date décisive en statuant sur les juifs, qu'il s'agisse des pratiques d'usure, des vêtements distinctifs qu'ils devront porter afin d'être immédiatement repérés, des blasphèmes ou des conversions non sincères. La chasse aux juifs devient une des missions de choix de l'Inquisition et obligation est donc faite à tous les fidèles de porter la rouelle, ou le voile pour les femmes. Le regroupement des juifs dans certaines rues est rendu obligatoire en 1294 et cela dans tout le royaume. L'affaire du juif parisien Jonathas, en 1290, accusé d'avoir profané une hostie consacrée, et cela en dépit de témoignages pour le moins contradictoires, attise la haine antisémite.
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