Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le combat des Reines

Le combat des Reines

Titel: Le combat des Reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
Vom Netzwerk:
signe d'aller dans un coin reculé. Il décrocha une torche de son support,
ouvrit une porte en forme de cercueil et me fit descendre dans la crypte, une
chapelle voûtée comme un tonneau soutenue par des piliers arrondis des deux
côtés. En face, dans le chœur, un austère autel de pierre se dressait sur un
socle un peu surélevé. J'ai vu maints endroits angoissants, mais cette crypte
était sans nul doute celui où le voile séparant le visible de l'invisible était
le plus ténu.
    Demontaigu
m'emmena vers le mur du fond. Il ôta sa cape et l'étendit sur le sol à mon
intention. Puis il alla s'assurer que la porte qui donnait sur la crypte était
fermement verrouillée. Il ignora mes questions, soucieux d'allumer les torches.
Leurs langues de flammes orange s'élevèrent et ramenèrent ce lieu macabre à la
vie. Les fresques rudimentaires étaient frappantes. L'une, dont je me souviens
fort bien, dépeignait la confrontation entre les vivants et les morts sur un
terrain de chasse. Les vivants étaient tout entiers à la poursuite d'une proie.
Bien habillés, emmitouflés et pourvus d'éperons, ils chevauchaient de robustes
destriers au poil luisant. Les morts, des squelettes revêtus de draps
mortuaires et de linceuls en lambeaux, avaient des montures étiques venues des
prairies infernales. Les autres fresques qui flanquaient cette vision
cauchemardesque soulignaient la dissolution de toutes choses, l'imminence du
trépas, les terreurs de l'Enfer et les douleurs du Purgatoire.
    — Mais
qu'est donc cet endroit ? ne cessais-je de répéter. Il empeste l'odeur de
la mort et l'angoisse de la tombe.
    Ma voix
résonnait dans cette caverne d'expiation comme celle d'une âme désincarnée.
Demontaigu s'accroupit devant moi.
    — C'est une
ancienne église construite sur une crypte saxonne. Il y a environ deux cents
ans, le pape Urbain II prêcha la croisade à Clermont. Les fondateurs de notre
ordre, celui des Templiers, Hugues de Payns et Godefroi de Saint-Amour, prirent
la croix sur-le-champ et s'en furent à travers le monde pour renverser les murailles
de Jérusalem. Ils instituèrent notre ordre un peu plus tard. Un Anglais — son
vrai nom nous est inconnu : la légende l'appelle Fitzdamory — prêta
aussi serment et jura solennellement de se joindre à Hugues et à Godefroi dans
leur saint pèlerinage. Mais la femme de Fitzdamory, affolée à l'idée de perdre
son époux, réussit à le convaincre de ne pas les retrouver là où ils devaient
se réunir, près de Vézelay, en France. Les croisés partirent pour l'outre-mer.
L'épouse de Fitzdamory trépassa peu après. Ce dernier vit là un châtiment divin
pour n'avoir pas respecté son vœu. Il se fit ermite hors les murs de la ville
et usa de sa fortune pour bâtir la chapelle des Pendus sur cette crypte.
    Bertrand
m'effleura la joue.
    — C'est
peut-être la caverne des âmes perdues ! Fitzdamory, en guise de pénitence,
destina cette église à recevoir les corps des pendus de Londres, les cadavres
des hommes et des femmes trop pauvres ou trop perdus de réputation pour qu'on
puisse leur assurer un repos éternel en terre consacrée. Il désigna une trappe
aux verrous rouillés dissimulée dans l'ombre du plafond.
    — Les
dépouilles des pendus étaient descendues par là, habillées pour
l'ensevelissement, puis ressorties. D'où le nom de la chapelle.
    — Mais elle
est désaffectée à présent ?
    — Elle se
trouve hors de la cité. Nombreux sont ceux qui croient le lieu hanté, maudit.
Notre ordre l'a pris en charge. On ne savait qu'en faire...
    Un coup à
l'huis, sourd mais menaçant, qui résonna dans la crypte comme un roulement de
tambour, interrompit Demontaigu. Il leva la main, tout ouïe. On frappa
derechef. Il monta en vitesse l'escalier. Je le suivis.
    — Tel vous
êtes ! cria-t-il.
    — Tel vous
serez ! répondit-on.
    Bertrand tira
les verrous. Des silhouettes sombres se glissèrent dans la pièce et descendirent
les marches prestement. À la lumière, la plupart, cheveux hirsutes et barbes
embroussaillées, paraissaient grotesques. Sous leur chape et leur capuchon, les
arrivants portaient des vêtements de tout genre — cottes-hardies,
robes et justaucorps —, certains coûteux, d'autres tachés et déchirés. Je
sentis la tension, l'odeur forte de la peur, de la sueur, des hommes
pourchassés qui rôdaient dans les ténèbres et qui étaient maintenant soulagés
d'atteindre ce sanctuaire de paix. Ils étaient tous

Weitere Kostenlose Bücher