Le combat des Reines
moi :
Je vous offre,
Seigneur,
Chaque fleur
qui s'ouvrit un jour,
Chaque
oiseau qui vola un jour,
Chaque vent
qui souffla un jour.
Seigneur
toute bonté, chaque tonnerre qui a roulé,
Chaque
cloche d'église qui a carillonné,
Chaque
feuille et chaque bourgeon.
Multipliez
chacun d'entre eux.
Qu'ils vous
glorifient, qu'ils vous glorifient
un million
de fois .
D'autres
reprirent la prière. Je frissonnai, non de peur, mais d'un respect craintif
devant ces hommes, poursuivis et harcelés jusqu'à la mort, et pourtant décidés
à prier, à combattre, à délivrer leur message.
Puis tous se
joignirent à Ausel pour psalmodier une hymne celtique :
Soyez notre
vision, Ô Seigneur de nos cœurs...
Soyez notre
première pensée le jour et la nuit, éclairez-nous de votre présence dans la
veille et dans le sommeil,
Soyez notre
bouclier, notre épée dans le
combat...
Le chant
s'acheva et Destivet fit un signe de croix. On souffla les chandelles, on
replaça le rouleau sacré dans son coffre. Destivet se retourna et s'assit au
bord de l'estrade. Nous formâmes un cercle autour de lui. Chacun fît état des
événements qui s'étaient produits. Ce fut une succession de terribles
malaventures. En France on imputait aux Templiers les crimes les plus abjects :
s'accoupler avec les démons, cracher sur l'image du Christ, uriner sur le
crucifix, administrer le baiser de honte sur le pénis, les fesses et les lèvres
des supérieurs, pratiquer la sodomie. Un templier prit la parole :
— L'un des
légistes de Philippe prétend que les accusations portées contre nous sont « épouvantables,
lamentables, horribles à imaginer, terrifiantes à supporter, presque
monstrueuses, en fait en dehors de toute humanité ».
— Y
accorde-t-on foi ? s'enquit Destivet.
L'intervenant
haussa les épaules :
— Très peu
de nos compagnons ont pu fuir, et la plupart ont été torturés. On a suspendu
des poids à leurs parties génitales ; ils ont subi le supplice du
chevalet, les chevilles et les poignets disloqués au treuil et arrachés de
leurs articulations. D'autres ont été hissés au plafond par des cordes puis relâchés
tout d'un coup, leur chute interrompue par une violente secousse. Brûler et
échauder sont pratiques courantes. Les frères avouent : ils n'ont pas le
choix s'ils veulent avoir un moment de répit.
Les templiers
prièrent pour ces infortunés, puis passèrent sans tarder à d'autres affaires,
parmi lesquelles la répugnance que manifestait Édouard à permettre aux
inquisiteurs du pape d'agir dans le royaume. Quelques-uns des templiers avaient
eu vent des troubles à Westminster et de la présence des envoyés français.
Destivet émit l'hypothèse qu'ils pourraient les attaquer, en arguant
qu'assassiner Marigny et sa bande serait « acte de justice ».
Demontaigu manifesta son désaccord et fit remarquer que non seulement les
Français étaient bien protégés, mais que cela risquait de leur aliéner le
souverain. Qui plus est les Noctales étaient une menace toujours
présente. Ils continueraient la chasse quoiqu'il arrive.
Les arguments de
Demontaigu furent acceptés. Plusieurs templiers racontèrent que les Noctales ,
auxquels espions et informateurs avaient fourni des précisions et des
renseignements sur les cachettes, avaient déjà capturé et emprisonné un certain
nombre de leurs frères. On aborda la question du trésor du Temple, des endroits
où il se trouvait et de sa valeur. Les références à l'or et à l'argent détenus
par Langton et mis en lieu sûr avant sa disgrâce m'intriguèrent tout
particulièrement. Destivet estimait qu'ils devraient le plus vite possible
emporter trésor, écrits et reliques dans les comtés du Nord et ouvrir des
négociations secrètes avec Bruce, le rebelle écossais. La discussion battait
son plein quand la sonnerie d'une corne de chasse réduisit tout le monde au
silence. On moucha les chandelles, on attacha les ceinturons, on arma les
arbalètes, on prit arcs et flèches.
— Nos
guetteurs ! souffla Demontaigu.
Le son d'une
seconde corne déchira les ténèbres, suivi d'un bruit de course dans la nef qui
résonnait et de furieux coups contre l'huis de la crypte. Demontaigu bondit en
haut de l'escalier. Il demanda le mot de passe qui lui fut donné. Il tira les
verrous. Deux hommes, trébuchant et se bousculant, se jetèrent presque en bas
des marches.
— Les Noctales !
s'exclama l'un d'eux. Pas juste un petit groupe, mais
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