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Le combat des Reines

Le combat des Reines

Titel: Le combat des Reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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bien armés. Ils se
rassemblèrent en bas, dans la flaque de lumière. Ils étaient une quinzaine. Je
distinguai le prêcheur du quai de la Tour. Ses yeux, que la passion
n'enflammait plus, étaient affables et moqueurs. Demontaigu le présenta sous le
nom de Jean Ausel. Ce dernier me saisit la main et m'embrassa sur les deux
joues dans une bouffée de vin, de sueur et de cuir. Puis Bertrand présenta
Padraig, l'estropié qui était accroupi sur ses planchettes de bois, et qui
maintenant se montrait assez leste pour faire rire tout le monde en culbutant
et en cabriolant sur le sol de cette lugubre crypte. Ausel m'étonna fort. Ce
n'était plus le fanatique : même sa voix avait changé et s'était faite
douce et mélodieuse. J'essayai de reconnaître son accent. Ausel expliqua qu'il
appartenait à une famille normande du Pale, autour de Dublin, et qu'il aspirait
à regagner les vallons brumeux de ce qu'il appelait « l'île Bienheureuse ».
Parmi les templiers, chevaliers, sergents, serviteurs de l'ordre, certains
étaient calmes, bien nourris et conformes à l'image de l'ordre, d'autres
éperdus, harassés et dévorés d'anxiété. Quelques-uns, surtout les plus âgés,
s'insurgèrent contre ma présence, grommelant qu'aucune femme ne saurait être
admise à leurs mystères. Demontaigu, sans révéler ni mon nom ni mon statut,
déclara qu'il se portait garant de moi. Ausel et Padraig firent de même.
    — Notre
ordre n'est plus, fit remarquer Ausel. Nous avons besoin de tous nos amis.
    Cela mit fin aux
protestations. Simon Destivet, le chef, convoqua ce qu'il nommait leur « parlement ».
Il s'agenouilla sur l'estrade devant l'autel en ruine et fit le signe de la
croix. Rassemblés derrière lui, nous entonnâmes le Veni Creator Spiritus .
Les voix puissantes résonnèrent dans les ténèbres en reprenant le refrain.
Quand elles se turent, Demontaigu me pinça le poignet pour me signifier de
garder le silence. Deux cierges furent allumés, deux supports provenant d'un
coffre caché dans un coin posés sur l'autel. Une arche, cerclée de fer et
fermée par trois serrures, fut placée entre eux. Destivet, Demontaigu et Ausel
sortirent chacun une clé. On ouvrit le coffre. L'autel fut garni tout du long
de lanternes, d'épaisses chandelles de couleur qui brillaient derrière leurs
parois de corne. Un rouleau de toile de lin extrait de l'arche fut tendu entre
deux cadres de bois. D'environ trois pieds de long sur trois pieds de large,
l'étoffe était ancienne mais bien conservée. On rapprocha les lanternes. Je
restai bouche bée d'étonnement : plus je regardais, mieux je pouvais
distinguer la tête d'un homme aux cheveux et à la barbe emmêlés, aux yeux
mi-clos, au visage défiguré et contusionné mais pourtant bienveillant. C'était
la vision d'un long martyre qui vous perçait jusqu'au tréfonds de l'âme. Les
templiers s'inclinèrent sur-le-champ, touchant le sol du front en se mettant à
chanter : « O Jésus, tourne Ta sainte face vers chacun de nous, comme
Tu l'as tournée vers Véronique. Nous ne pouvons la voir avec nos yeux de chair
car nous ne le méritons pas, mais tourne-la vers nos cœurs afin que, nous
souvenant de Toi, nous puissions toujours puiser en cette puissance et cette
force la vigueur nécessaire pour soutenir nos luttes dans la vie. Amen. »
    Comprenant que
cela devait être le Mandylion, le linge qui avait couvert la tête du Crucifié,
je m'inclinai aussi. Messire Réginald, mon oncle, y avait souvent, sans
insister, fait allusion et, dans leurs épouvantables calomnies contre les
Templiers, les juristes de Philippe les avaient accusés d'adorer une tête
désincarnée. Je voyais à présent ce qu'il en était ! Nous nous accroupîmes
tous sur nos talons et Destivet commença à réciter une triste oraison extraite
des Évangiles : « Le jour de leur ruine est proche ; l'heure du
Jugement sonnera sans tarder. »
    — Non, non,
proclama Ausel d'une voix claire. Non, non, ne nous laissons pas décourager, ne
nous laissons pas abattre, mes frères. Ne cherchons pas à nous venger de nos
ennemis : abandonnons la revanche entre les mains de Dieu. Ne perdons pas
espoir.
    Destivet
acquiesça même si, puisque je me trouvais agenouillée derrière lui, je pus
constater qu'il pleurait. Ausel était déterminé à lever la chape de mélancolie.
De sa voix mélodieuse d'Irlandais il entonna une belle prière celtique. Je
demandai par la suite à Demontaigu de la recopier pour

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