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Le combat des Reines

Le combat des Reines

Titel: Le combat des Reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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des
pirates du fleuve pendus par le cou aux anneaux du quai ; les pêcheurs de
cadavres, qui envoyaient yoles et plates quérir les corps flottant parmi les
roseaux de la berge ou dansant au milieu de la Tamise, tournoyant et se
retournant, montant et retombant, comme s'ils se préparaient à la résurrection
dernière. L'air était chargé d'odeurs variées. Celles de la corruption, des
détritus et de la pourriture se mêlaient à celles des épices, de la fumée de bois,
du poisson salé, du vin répandu et des algues flétries ainsi qu'aux fragrances
des précieuses cargaisons nichées dans les cales nauséabondes des multiples
bâtiments.
    Je repensais aux
événements de la matinée. J'avais rencontré ma maîtresse à l'aube. Elle n'avait
point encore récité ses matines, les yeux lourds de sommeil après son copieux
banquet en compagnie du roi et de Gaveston. Elle m'avait écoutée avec patience,
avait souri, compréhensive, et acquiescé. Demontaigu avait été convoqué et son
haleine fleurant le vin m'avait appris qu'il venait de célébrer l'Eucharistie.
Isabelle, à moitié endormie, lui avait dicté une courte missive et lui avait
ordonné de m'accompagner à la Tour pour soigner Walter Langton, évêque de
Coventry et Lichfield. Bertrand jouait les clercs loyaux. Quand la lettre fut
écrite, il boucla son ceinturon, jeta sa chape sur ses épaules et m'escorta à
travers l'enceinte du palais noyée de brume jusqu'à King's Steps et la barge
qui nous était réservée. Réflexion faite, c'était un sombre début pour un
sombre jour. Le meurtre m'attendait. Le sang coulerait. Que Dieu m'en soit
témoin, je tremble devant mes péchés rouge écarlate, mais que pouvais-je faire
d'autre ?
    Je crois que les
terreurs de cette journée avaient commencé dès le matin. Au moment même où
notre embarcation s'éloignait du quai, j'aperçus cette silhouette masquée qui
descendait en hâte les marches vertes et visqueuses vers un canot à l'amarre.
La brume nous enveloppa mais plus tard, juste avant que nous parvenions aux
piles et aux arches du Pont de Londres, j'entrevis ce canot de nouveau. Bien
que certaine qu'il s'agissait du même, je ne pipai mot. Près de moi,
Demontaigu, ramassé sur lui-même, récitait son chapelet. Nous débarquâmes sans
encombre au quai de la Tour, grouillant et fourmillant comme une ruche en été.
Les souvenirs de ce moment-là se pressent dans ma mémoire. Des aperçus, des
scènes, des tableaux, comme ces miniatures dans les psautiers qui retiennent
l'œil quand on en feuillette les pages. Quatre anciens soldats, vêtus de noir,
une méchante croix rouge peinte sur le front, demandaient l'aumône. Ils
criaient que les infidèles, outremer, leur avaient arraché les yeux et cousu
les paupières. Non loin, une folle chantait le Salve Regina , dont les
paroles prophétiques résonnaient : « Salut Sainte Reine, Mère de
miséricorde. Salut, notre vie, notre douceur et notre espérance. » Des
captifs en haillons, la corde au cou, mains et pieds entravés, s'éloignaient
d'un pas traînant vers les cachots sous l'entrée de la Tour. Soldats et
archers, sous l'œil vigilant d'un chevalier du roi à califourchon sur son
destrier caparaçonné, s'employaient à faire régner l'ordre à coups de bâton.
Une dame, montée avec élégance sur un palefroi, passait au trot sur les pavés.
Les faucons encapuchonnés posés sur ses poignets, impatients de se libérer,
faisaient tintinnabuler les clochettes de leurs jets au milieu des cris rauques
des pêcheurs, des marchandes d'huîtres, des vendeurs de fruits et des étameurs.
Un vieillard poussait son épouse infirme dans une brouette en s'égosillant pour
que les passants s'écartent. Un bailli du marché suivait un paysan portant sur
le dos une volaille vivante qui battait des ailes. L'officier attendait qu'il
la dépose sur le sol afin de pouvoir lui faire payer un droit de banc. Des
dizainiers retenaient une grosse truie, qui grognait avec indignation, afin de
lui couper la queue, punition infligée pour s'être aventurée sur la place du
marché. Fumée et émanations s'élevaient des tanneries et des fours à chaux. La puanteur
de l'air me prenait à la gorge et au nez. Un chien poussait de la truffe deux
cadavres repêchés dans le fleuve. Trois déments, des clochettes cousues sur
leurs vêtements, se précipitèrent pour nous proposer une danse. Demontaigu les
repoussa et, une main sur son épée, me tenant le coude de

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