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Le combat des Reines

Le combat des Reines

Titel: Le combat des Reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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l'autre, il me fit
franchir le sinistre et haut portail. Des officiers et des sergents, en cotte
de mailles et heaume, se pressaient autour de nous, le visage presque caché
sous leur bassinet et leur chapel. Les remugles du cuir, de la sueur, de la
poix et du sel envahissaient tout. Les torches coulaient dans le vent ;
au-dessus de nos têtes pendait, menaçante, la herse aux dents acérées. Nous
empruntâmes des allées étroites et des ruelles surveillées par des archers
encapuchonnés, flèches encochées. Nous traversâmes des bailes, des cours pavées
et des enclos boueux où on avait érigé des engins de guerre, lugubres
silhouettes terrifiantes se détachant sur le ciel. L'endroit était plein de
contrastes. Dans les clos, des enfants jouaient au milieu des mastiffs, des
poulets picoraient le sol, des oies cacardaient à grand bruit, du bétail
meuglait. Les bruits et les odeurs d'une ferme se mélangeaient avec ceux des
cuisines, des cuveaux à buée et des étuves. Pourtant, au loin résonnaient les
grondements sourds de la ménagerie royale pendant qu'au-dessus de nous, comme
si elles épiaient nos moindres pas, des corneilles aux ailes noires
voltigeaient tels des démons.
    Nous parvînmes
enfin à la grande tour carrée normande. Le sergent nous expliqua que Lord
Cromwell, le capitaine, était parti approvisionner les réserves à Petty Wales.
Il nous présenta les excuses de son chef, nous précéda dans l'escalier aux
marches raides, et déverrouilla les portes pour nous introduire sur le palier
et dans la confortable chambre de Langton. On avait ôté quelques-uns des
contrevents des fenêtres lancéolées pour aérer la pièce pendant que l'évêque se
réchauffait près d'un brasero. Il poussa une exclamation de surprise en me
voyant mais ne parut pas mécontent. Demontaigu murmura qu'il me servait juste
d'escorte et s'éclipsa vers la chapelle St Jean toute proche. Je me retirai en
hâte et le suivis pendant que Langton ordonnait d'une voix de stentor au
sergent d'aller quérir à la dépense de la Tour un pichet de vin frais et
quelques douceurs pour sa visiteuse. J'emboîtai le pas à Demontaigu dans
l'étroit couloir et l'interrogeai sur ce qui le tracassait. Il déboucla son
ceinturon, le laissa choir au sol et m'informa qu'Ausel viendrait peut-être au
quai de la Tour. Il se demandait quelles nouvelles il apporterait. La voix de
Bertrand sonnait creux alors même que les instructions que Langton donnait au
sergent retentissaient à travers les portes ouvertes. Je ne bougeai point, tout
ouïe, et me rappelai notre première visite à l'évêque.
    — Qu'y
a-t-il, Mathilde ?
    — Rien, mon
cœur *, répondis-je en souriant. Ce ne sont que des souvenirs.
    Je retournai
dans la chambre de Langton. À présent, enveloppé dans une lourde chape fourrée,
son pectoral d'or scintillant dans la lumière, il trônait et faisait tourner du
bout des doigts son anneau épiscopal. À vrai dire, Langton n'avait guère
l'apparence d'un prêtre : il était trapu, solide et courtaud. Une tignasse
de cheveux gris fer cachait maintenant sa tonsure. En réalité, il avait bien
l'air de ce qu'il était : une brute rusée. Il aurait été un chef parfait
pour les ruffians, ces bandes impitoyables du monde souterrain de Londres
engagées par de riches marchands pour qui le commerce se faisait à coups de
dague et de violents jeux d'épée. Malgré ses lèvres molles et son visage
rougeaud de buveur de vin, il était intelligent. Mon oncle citait souvent le
vieil adage : « On peut lire l'état de santé d'un homme dans ses
yeux. » En prenant place sur le tabouret capitonné, je m'en remémorai un
autre tout aussi pertinent et ancien : « On peut aussi lire l'âme
d'un homme dans ses yeux. » Ceux de Langton, que dissimulaient des replis
de graisse, étaient jeunes et clairs, pleins d'une malice hautaine. Gaveston
pouvait bien le traiter d'outre de poison, ou d'une insulte de ce genre,
Langton n'en était pas moins madré et artificieux. Il aurait été un précieux
allié pour Édouard ; mais le roi en avait fait un venimeux ennemi.
    Nous échangeâmes
les compliments d'usage. Je lui remis la lettre de courtoisie d'Isabelle et
décidai de m'en tenir à ce que j'avais décidé. Je jacassai comme une pie. Je
parlai de la maladie de Guido, du fait que le roi et ma maîtresse
s'inquiétaient de la santé de l'évêque, surtout de ses ulcères aux jambes. Je
me répandis, en un débit précipité, sur les

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