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Le combat des Reines

Le combat des Reines

Titel: Le combat des Reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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Les
malheureuses, tondues à ras, obligées d'endosser des tuniques rayées, voyaient
leur humiliation renforcée par deux joueurs de cornemuse qui poussaient des
cris stridents et attiraient une cohue invitée à injurier les catins et à leur
jeter des abats, des os, tout ce qui lui tombait sous la main. Je les regardai
s'éloigner au moment même où l'angélus sonnait aux églises voisines, appelant
les fidèles à réciter un Pater, un Ave, le Gloria, et à cesser le labeur pour
la collation de la mi-journée. Les éboueurs surgirent, les énormes roues
cerclées de fer de leurs tombereaux suspendus écrasant le sol. Robustes
gaillards en haillons bigarrés, ils ne perdaient jamais de vue leurs intérêts :
ils s'emparèrent soudain d'une oie, lui tordirent le cou et la jetèrent sans
plus attendre dans un sac pendu à l'intérieur de la charrette. Le propriétaire
accourut en protestant, mais le chef des éboueurs cita les ordonnances de
l'échevinage : une oie errant là où elle ne le devait pas perdait tous les
droits ; on pouvait donc lui tordre le cou et sa chair appartenait à qui
l'avait trouvée. La vaste place du marché commença à se vider au fur et à
mesure que les chalands se dirigeaient vers les tavernes et les échoppes à
bière pour le repas de midi. Je me hissai sur la pointe des pieds, me demandant
où s'était rendu Demontaigu et regrettant de ne pas l'avoir accompagné. Je
perçus tout d'un coup une présence derrière moi. Au moment où un coup d'œil
par-dessus mon épaule me permettait de distinguer un nez pointu et des yeux
brillants, je sentis la pointe d'une dague juste sous l'omoplate.
    — Mathilde
de Clairebon ?
    — Oui ?
    Je tentai de
contrôler ma panique.
    — Je suis
Mathilde de Clairebon. J'ai un mandat de la reine.
    — Pour ce
qu'il m'en chaut, vous pourriez bien en avoir un de Dieu Tout-Puissant !
    Je reconnus
l'accent et voulus me retourner : la dague s'enfonça un peu plus.
    — Bon,
Mathilde de Clairebon, obéissez-moi en tous points. Marchez. N'essayez ni de
crier, ni de courir, ni de vous débattre, ni de lutter, sinon cette dague vous
percera de part en part en une seconde.
    Nous suivîmes
une venelle conduisant au bâtiment de la douane, qui donnait sur le quai aux
laines. On m'ordonna de laisser mes mains ballantes et de me tenir tranquille.
Mon assaillant avait bien choisi. La ruelle était étroite et sombre, avec des
renfoncements entre les maisons délabrées de chaque côté : c'était le
chemin des bas-fonds, peuplé de chats hostiles et de chiens bâtards efflanqués.
De petits cabarets misérables la bordaient. Au-delà de sombres entrées les
ténèbres étaient encore plus épaisses. Et il y avait l'occasionnel étal de
fortune tenu par des coquins qui nous regardaient passer. De faux mendiants
accroupis dans les coins et les recoins comptaient leurs gains mal acquis.
    — Un bon
chapon dodu à plumer ! s'écria une voix. Souvenez-vous de nous quand vous
en aurez fini !
    Mon agresseur me
forçait à avancer ; à mi-chemin il me projeta dans un petit retrait à
gauche, un espace entre deux maisons fermé par un haut mur. Il m'y adossa avec
tant de violence que les pierres m'égratignèrent le dos. L'homme, tenant d'une
main sa dague sous mon cœur, rabattit son profond capuchon, découvrant un
visage jeune, à la peau lisse, aux yeux étincelants de méchanceté. Il appuya
davantage son poignard et je sentis la brûlure de sa chaude haleine fleurant la
bière sur mes joues.
    — Mathilde
de Clairebon, je suis La Maru, naguère membre de l'entourage d'Alexandre de
Lisbonne. Ce salaud de Portugais, ce bâtard de truie, m'a à présent renvoyé. Il
a prétendu qu'il obéissait aux instructions de votre royale putain de
maîtresse. Pourtant, Mathilde...
    Il poussa un
grand soupir.
    — ... je ne
faisais qu'exécuter mes ordres. Je suis venu dans ce cloaque ruisselant et
voilà qu'au bout de quelques jours on me chasse de mon logis et qu'on me sépare
de mes compagnons.
    Il parlait
couramment l'anglo-normand avec cette intonation bourguignonne particulière un
peu nasale. Ma peur disparut. J'étais calme et aux aguets. Ce sbire avait
terrorisé ma mère et voilà qu'il espérait qu'il en irait de même avec moi. Il
me fouilla avec rudesse, m'arrachant mon escarcelle, une petite bourse,
l'anneau que je portais à la main gauche, la broche qui ornait ma robe, le
bracelet à mon poignet. Je me souvins de Langton et me mis à minauder,

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