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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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vous dire cela autrement : le plomb arrive sur l'homme en ayant légèrement fondu en raison de la vitesse mais le noyau de la balle d'acier demeure très dur, commencez-vous à comprendre ?
    Sourcils froncés, l'armurier réfléchissait intensément, imaginant ce qu'on lui disait là mais, excellent exécutant, il n'était pas le moins du monde inventif :
    — J'avoue, une fois encore...
    Augustin de Nestoc se montra des plus obligeants :
    — Imaginez qu'une de mes balles atteigne un homme en plein coeur, cela, vous le pouvez ?
    — Certainement.
    — Eh bien le noyau de la balle, en différents aciers suédois, est si dur que c'est la certitude qu'il traversera le coeur de part en part. Mais tout ce plomb qui entoure le noyau, assez mou, comme vous dites, provoquera un trou énorme en s'écrasant sur la poitrine de l'homme et il ressortira sous l'omoplate en emportant un gros quartier de viande. Ainsi, par la finesse et l'épaisseur, par le dur et le mou, ai-je l'assurance de tuer deux fois mon homme, ce qui est mon métier.
    Le visage de l'armurier s'éclaira :
    — Je comprends...
    Pour s'assombrir aussitôt :
    — Votre métier est... de tuer des hommes !
    — Eh bien oui et cela, parfois, par simple prudence.
    À une vitesse qui échappait à un oeil sans expérience, Nestoc sortit un rasoir de sa manche et d'un geste presque gracieux sectionna la carotide de l'armurier. Puis, tout aussi vif, il ramassa le fusil et s'écarta tandis qu'un flot de sang inondait le comptoir et les outils qui s'y trouvaient.
    Indifférent, glacé, Nestoc regarda l'homme qui s'effondrait puis il saisit sur le comptoir une petite boîte contenant six balles.
    La voyant trempée de sang, il esquissa une légère grimace et s'empara d'un chiffon posé sur un meuble bas.
    Patiemment, il essuya les balles une à une, en prenant tout son temps, avant de les placer dans une petite boîte d'ébène décorée d'ivoire qui semblait fabriquée par avance aux dimensions souhaitées.
    Satisfait, il gagna l'arrière-boutique, ne jeta pas un regard au lit défait et aux habits de travail qui traînaient un peu partout.
    L'endroit sentait la vieille sueur refroidie et l'urine, un pot assez grand débordant presque d'un liquide jaune paille virant au brun.
    Ouvrant un tiroir, Augustin de Nestoc découvrit un miroir qu'il nettoya soigneusement à l'aide d'un mouchoir tiré de sa poche, mouchoir très fin, à glands, à la mode ancienne.
    Retirant sa perruque d'un geste las, il s'essuya le front d'un revers de l'avant-bras et s'observa dans le miroir.
    De cheveux roux comme une carotte, son visage était couvert de taches de rousseur qui se détachaient sur le fond blanc sale, blême et malsain de la peau. Les yeux, d'un bleu soutenu, étaient couverts d'une taie rougeâtre qui ressortait en raison de cils et sourcils d'un blanc étrange. Les joues gonflées comme celles d'un écureuil paraissaient ridicules en raison d'un cou très maigre, un cou de canard.
    Il balbutia :
    — Baron Augustin de Nestoc...
    Car tel était en effet son véritable nom.
    Il s'observa avec minutie, curiosité puis colère :
    — Toi, je ne t'aime pas!
    Puis, il lança le miroir au loin. Enfin, dissimulant le fusil sous sa cape, il sortit avec le plus grand naturel dans la ruelle déserte.

27.
    Le cabaret La Mandragore bleue se trouvait au coin de la rue aux Ours et de la rue Saint-Martin.
    L'endroit était assez sombre et, de tradition, on y parlait bas. En outre, les plats étaient coûteux car le tenancier se fournissait chez un traiteur voisin réputé qui fut quelques années à Versailles, en qualité de quatrième de rang des cuisines royales.
    De ce fait, on n'y voyait pas de gueux, malfaisants, tire-bourse et putains. La clientèle, cependant, se composait étrangement : financiers douteux, conseillers à la cour, gens de police, diplomates... Des choses se disaient ici à voix basse et l'éloignement des tables permettait qu'une oreille indiscrète n'entende point ce qui ne lui était pas destiné. Quelquefois, au moment de livrer un nom, un lieu ou un montant, on plaçait la main devant la bouche car deux ans plus tôt un Autrichien fut pris qui lisait sur les lèvres et vendait par après ses informations.
    Le propriétaire de La Mandragore bleue connaissait bien sa pratique, et le métier de chacun. Mais, l'information venant à lui manquer, il savait s'en remettre en toute sûreté à son instinct qui ne le trompait jamais.
    C'est dans cet état d'esprit

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