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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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    — Monsieur le duc...
    — Appelez-moi Bamberg. Ou Tancrède.
    Elle rejeta l'un et l'autre nom :
    — Monsieur, si j'ai marqué quelque surprise, c'est que vos paroles ne sont point dans le goût du temps.
    Il s'en amusa :
    — Voilà qui me rassure, baronne.
    La sincérité de Bamberg ne paraissait pas douteuse et il semblait prendre plaisir à se trouver - apparemment, même à la guerre - en le petit nombre contre les autres, tous les autres.

    Elle le regardait et éprouva une envie presque douloureuse d'embrasser ses paupières, ses lèvres pleines, ses dents écartées comme la nature en donne si peu souventes fois à voir.
    Qu'allait-elle faire ? Pourquoi Dieu, ou le hasard, par ce froid de loup, lui donnait-il l'homme qu'elle attendait depuis si longtemps et qui allait repartir, l'oubliant sans doute au premier virage ?
    — Notre rencontre est bien étrange... dit-elle d'un ton qu'elle voulut assez froid.
    À cet instant, Scrub avança la tête hors le sac et lécha la joue du général qui rit aussitôt :
    — Sa langue est plus rugueuse que la rapière d'un Espagnol !
    Attendrie malgré elle, elle sourit :
    — Mais vous aimez cela.
    Il haussa les épaules :
    — M'en défendrais-je ? Il est doux d'être aimé, fût-ce par un pauvre chien tel que Scrub.
    Stupéfaite de sa propre audace, elle répondit :
    — Et il n'est que Scrub, pour vous aimer?
    Il sembla soudain très lointain, très malheureux, et elle éprouva une folle envie de le prendre dans ses bras, car à l'évidence, il avait connu un chagrin d'amour.
    La voix de Bamberg, naturellement assez basse, devint plus grave encore :
    — J'en ai peur. Mais au moins, avec lui, ne suis-je pas dans l'illusion d'être aimé, qui est le pire des maux. En les principes de l'amour, faire semblant est une chose très amère, une détestable infamie.
    Il réfléchit encore et, balayant sa tristesse :
    — Il me reste mes amis. Mes amis m'aiment. Et Marie-Thérèse ! Ah, Marie-Thérèse !
    Le ton de la jeune femme se fit mordant :
    — Alors vous voilà heureux !
    Elle maudit cette Marie-Thérèse. C'était bien des hommes, cela ! On les croit pareils à soi, le coeur solitaire, et il se trouve toujours une Diane, ou une Félicité. Ou une Marie-Thérèse !
    Bamberg regarda les flammes dans la cheminée avec un air rêveur qui fut comme une morsure à l'âme de Marion.
    Mélancolique, il lança :
    — Ah, ses oeufs pochés au jus d'oseille!... Mon dieu, on se vendrait au diable pour moins que cela !
    Indignée, folle de rage, elle demanda :
    — Ce n'est que cela, pour vous, une femme ?
    Il la regarda avec surprise :
    — Oh non : Marie-Thérèse est avant tout une mère.
    Les poings serrés jusqu'à se faire blanchir les phalanges, la jeune femme songea : « Cette Marie-Thérèse est une redoutable peste, et habile, elle joue la mère avec le duc déjà si vulnérable... »
    Flairant tardivement un possible malentendu, Bamberg expliqua :
    — Ma mère est morte en me donnant le jour. Je n'avais pas plus d'un an lorsque mon père fut tué dans le corps expéditionnaire du maréchal de Schomberg parti aider le Portugal soulevé contre l'Espagne. Marie-Thérèse servait au château, c'est elle qui m'a élevé.
    Marion eut du mal à dissimuler sa joie, songeant : « Oh, chère Marie-Thérèse, et moi qui te voulais brûlant aux enfers! »
    Mais une autre coïncidence la troublait :
    — C'est fort étrange. Mon père était aux mousquetaires et fut tué lors de la guerre de Dévolution alors que je n'avais moi aussi qu'un an.
    Ils se regardèrent avec surprise. Et pourtant, mais ils l'ignoraient, la véritable étrangeté ne gisait pas là mais en cela qu'en moins d'une minute d'intervalle elle avait songé: « Je ne suis pas assez bien pour lui ! » tandis qu'il se pénétrait de : « Elle est beaucoup trop bien pour moi ! »
    Il remarqua :
    — C'est chose fort singulière comme le hasard croise nos routes, et tout ce que nous partageons.
    Respirant mieux, brusquement, et sans cette gène qui lui serrait la poitrine, elle répondit :
    — Je le pense aussi. Dès votre chute qui tant m'a impressionnée...
    — Dès votre regard lumineux... Sans doute tout cela était-il ridicule et merveilleux.
    — Ridicule et merveilleux ne vont point ensemble, du moins le croyais-je jusqu'à l'instant où vous avez dit ces mots.
    Comme ils se trouvaient tous deux fort troublés, elle s'approcha de la fenêtre. Un brouillard qui semblait bleu pâle enveloppait les

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