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Le Conseil des Troubles

Le Conseil des Troubles

Titel: Le Conseil des Troubles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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simple, sans distance dédaigneuse entre lui et les autres. En outre, général et redoutable lame, il ne reculait pas, tel un simple soldat, devant les combats de rue et promenait avec lui un chien de misère dont n'eût point voulu le plus humble des boutiquiers.
    Mais ce qui la touchait davantage encore, assurément, était sa timidité devant une femme, et même sa maladresse. Cet homme vivait pour la vie, et non pour paraître, mal qui ronge l'humanité depuis toujours. Il n'était pas une apparence flatteuse qui soigne ses gestes et surveille trop ses paroles et viendrait-on à l'aimer, c'est lui qu'on aimerait et non le reflet trop précieux d'un miroir avantageux.
    — On parle de vous comme d'une légende ! dit-elle, cherchant encore à l'embarrasser et curieuse de sa réaction.
    Il baissa la tête :
    — On a tort. Il n'est point de légende là où ne se trouvent que le sang, les tripes et la douleur. C'est une vie triste que la mienne, et ma légende, à mes yeux, est grise.
    Il haussa les épaules :
    — Nous en parlons, entre nous, avec mes officiers. Je me souviens... C'était un beau soir de printemps proche de l'Ascension. Une nuit tendre et parfumée, on oubliait le camp, les appels, les rires, les jurons, tel autre qui essayait un nouveau tambour, les hennissements de chevaux qu'on menait à leur enclos, le coup de marteau d'un forgeron redressant un fer... Nous discutions de savoir ceci : fallait-il définir la vie ainsi que nous l'éprouvions ou selon nos désirs?... À l'aube, nous cherchions encore !
    Tandis qu'il parlait, elle se pénétrait de chaque mot, voyant la scène comme si elle s'y trouvait, cette activité, les soldats qui avaient déjà sombré dans le sommeil, les bruits de plus en plus rares et de plus en plus insolites, ces jeunes officiers groupés autour d'un feu, la voûte étoilée qui les surmontait... et la mort qui les guettait, eux et leurs rêves, pour les prendre jusqu'au dernier !
    Elle demanda doucement :
    — Pourquoi êtes-vous soldat ?
    Il réfléchit longuement avant de répondre :
    — Que pourrais-je faire d'autre?... Nous sommes soldats depuis si longtemps, les croisades, les Templiers, sans doute le roi Clovis. Les os des Bamberg blanchissent sur tant de vieux champs de bataille oubliés et même en terre étrangère.
    Il hésita puis, un peu gêné :
    — Je ne sais faire que cela et je suis sans fortune. Mon vieux château du Maine, région la plus misérable du royaume, est mon seul bien.
    — Mais vous êtes duc !
    — Le plus pauvre duc du royaume !
    Il éclata de rire.
    Elle sourit mais en réponse à ce rire clair et non aux paroles du général. Comment pouvait-il réagir à son état avec autant de légèreté ? Passe encore pour elle car les Neuville sont petits barons mais lui, un duc, presque un prince ?
    Animée d'une véritable soif de comprendre, elle ne pouvait laisser passer cela :
    — Mais les actrices, les gens de Cour qui les assiègent pour obtenir leurs faveurs, tous ces nobles, vrais ou faux, qui ne vous valent pas, tous ne pensent, ne vivent et n'ont d'ambition que pour la fortune. Et pas vous ?
    — Eh bien non.
    — Je ne vous comprends pas.
    Il haussa les épaules :
    — Notre fortune fut immense mais un de nos ancêtres la livra aux Anglais pour payer rançon d'un roi de France, pauvre captif de l'horrible Tour de Londres.
    — Et les rois ne vous rendirent pas cette fortune ?
    Il s'assombrit :
    — Mais nous l'eussions fort mal pris. Voyons, baronne, c'eût été contraire à l'honneur que d'accepter pareil arrangement et mon ancêtre le savait bien, comme il n'ignorait pas que pour des siècles, ses descendants vivraient dans la gène. Et c'est là ce qui donnait toute sa valeur à son geste. L'honneur est une chose rare, unique, sans doute comme l'est l'amour, c'est une exigence et que serait la vie si on ne la hissait à hauteur de ce qui lui donne son véritable prix, qui n'est point d'or?
    Stupéfaite, elle le regardait et l'écoutait sans bien oser comprendre ou, tout au contraire, en comprenant trop bien.
    Elle songea : « Mon dieu, mais d'où sort-il ainsi ? De quel livre déchiré ? De quel siècle ayant depuis longtemps fait naufrage dans la tempête du temps qui passe ? Était-ce un chevalier égaré ? Un petit enfant ? Et il considère l'amour avec la même exigence ! Ah, comme elles le feront souffrir ! »
    Brusquement, elle eut peur, froid, chaud, envie de hurler de terreur et de bonheur.
    Elle se força au calme

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