Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
Vom Netzwerk:
l’emmitoufla et feignit de l’embrasser en faisant
un baiser sonore.
    – Reposez-vous. M. Crête va
comprendre.
    Elle prit le plateau lentement, en faisant le
moins de bruit possible, pour être certaine de bien entendre les pas de Crête.
Dès qu’elle le sut assez éloigné de la porte, elle sortit en refermant doucement.
    – Je suis désolée, monsieur Crête, mais
aujourd’hui elle est trop fatiguée.
    – Sa voix est pas mal faible. Es-tu
certaine que ce serait pas mieux de faire venir le docteur ?
    – Vous connaissez ma mère. On dirait
qu’elle a juré qu’un docteur mettrait jamais les pieds ici. Moi-même j’insiste.
Mais vous connaissez ma mère…
    – Oui, je la connais !
    Blanche ignora la hargne du ton.
    – Mais si, dans trois ou quatre jours,
elle est pas plus vaillante, j’vas aller le chercher moi-même. À quoi ça sert,
des enfants, si c’est pas pour protéger leurs parents ?
    Elle était tellement excitée à l’idée que
Crête n’avait vu que du feu qu’elle osa cette petite phrase, simplement pour
s’amuser, maintenant qu’elle n’avait plus peur.
    Elle l’accompagna jusqu’à la porte, le remerciant
encore une fois d’être passé, et l’invita à récidiver.
    – Ça, c’est certain, Blanche, j’vas
repasser.
    – Si on avait eu un téléphone, vous
auriez pas eu besoin de vous déplacer pour rien. Pis vous auriez pu annoncer
votre prochaine visite.
    Elle sut, par son expression, qu’elle avait
dépassé les bornes.
    – Ma foi, Blanche, ça fait deux fois que
je me rends compte que tu es peut-être pas aussi gênée que tu en as l’air. Tu
es quasiment aussi effrontée que ta mère.
    Blanche rougit et essaya de sourire. Elle sut
que son sourire était empreint de timidité.
    – Excusez-moi, monsieur Crête. Je voulais
juste vous éviter du trouble.
    Il haussa les épaules, regarda une dernière
fois en direction de la chambre d’Émilie et quitta les lieux sans un au revoir.
Blanche entra dans l’école, mais, dès qu’elle l’entendit partir, elle persifla
pour elle seule : « Je voulais juste vous éviter du trouble… »,
avant d’éclater d’un rire qui acheva de la détendre.
    Si elle s’était réjouie de sa victoire, le
lendemain matin, à l’arrivée des élèves, elle avait la gorge nouée. Il lui
était apparu évident qu’elle ne pouvait s’éloigner de l’école tant qu’elle
n’aurait pas reçu de lettre de sa mère. Et refuser de quitter l’école signifiait
qu’elle ne pourrait aller au bureau de poste. Pas plus qu’elle ne pourrait
renouveler les provisions que l’appétit de ses jeunes sœurs avait dilapidées.
Pas plus qu’elle ne pourrait aller chercher leur linge au couvent si sa mère
n’était pas rentrée.
    Elle tenta d’oublier ce problème pendant toute
sa journée d’enseignement, demandant aux enfants d’être le plus silencieux
possible à cause de l’indisposition de sa mère.
    Le soir venu, elle mangea du bout des lèvres,
le front agglutiné entre les sourcils, l’œil lointain, le cerveau en
ébullition. Combien de temps pourrait-elle continuer ce manège ? Il lui
fallait trouver une solution à son problème le plus rapidement possible.
    Le mardi, en fin de journée, pendant que les
grands étaient affairés et qu’elle portait son attention sur le travail de son
Pierre, elle recula pour jeter un meilleur coup d’œil sur le dessin qu’il lui
montrait et trébucha. Son pied droit chavira en bas de l’estrade. Elle poussa
un petit cri de douleur et les enfants la dévisagèrent. Elle retint son souffle
pendant quelques secondes puis se redressa avant de remonter, en sautillant, à
sa place.
    – Je pense que j’ai la cheville foulée.
Est-ce qu’il y en a un qui pourrait aller dehors tremper une guenille en
dessous de l’eau de la pompe en la faisant couler longtemps pour qu’elle soit
glacée ?
    Trois élèves se levèrent et se précipitèrent à
l’extérieur, tenant chacun un chiffon. Elle attendit leur retour sans dire un
mot. Dès qu’elle eut enroulé sa cheville, elle demanda aux élèves s’ils
accepteraient de quitter l’école un peu plus tôt. Elle s’efforça de sourire
devant leurs mines réjouies.
    Ils partirent calmement. Vingt minutes plus
tard, la mère d’André, un des grands élèves de sa classe, frappa à la porte.
Elle lui ouvrit en boitant.
    – Non mais, ça a pas de bon sens !
Votre mère au lit, pis vous la cheville foulée. André nous a

Weitere Kostenlose Bücher