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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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trouvaille, et sourit.
    Elle n’éveilla pas Crête mais il la reçut
comme si elle l’avait fait. Il ne lui offrit pas de s’asseoir, pas plus qu’il
ne pensa à lui verser une tasse de café.
    – J’ai un message pour vous, monsieur
Crête. Ma mère est au lit depuis une semaine pis on n’a pas l’impression
qu’elle va pouvoir prendre sa classe lundi. Elle a insisté pour que je vous
avertisse. Comme ça, les choses sont faites en bonne et due forme. On voudrait
pas que vous vous inquiétiez. Tant que les récoltes seront pas finies, on
n’attend pas trop d’élèves dans la classe. J’vas pouvoir prendre les deux
divisions.
    Joachim regarda Blanche, les yeux vides.
Blanche priait intérieurement pour que son plan fonctionne.
    – Tu veux-tu rire de moi, toi ? Ta
mère a pas été vue à Saint-Tite depuis deux bonnes semaines.
    Blanche se sentit rougir jusqu’à la racine des
cheveux. Elle détestait mentir mais l’emploi de sa mère en dépendait.
    – Vous avez raison, monsieur Crête.
Personne de Saint-Tite l’a vue parce qu’elle est revenue la semaine dernière en
automobile. Malade, monsieur Crête. C’est pour ça que personne l’a vue. Elle a
pas mis le nez dehors depuis.
    Joachim commençait à être ébranlé par son
histoire. Mais Blanche savait que la partie n’était pas gagnée.
    – J’imagine que, malade de même, elle a
demandé le docteur ?
    Blanche sentit que son cerveau roulait au
moins à trente milles à l’heure. Il lui fallait trouver une maladie qui
justifierait l’absence du médecin.
    – Je voudrais pas entrer dans l’intimité
de ma mère, mais, à son âge, il y a des maladies que les femmes connaissent
mieux que les médecins, monsieur Crête.
    Crête toussota. Blanche sut qu’elle avait
gagné.
    – Pis ta mère pense que ça va durer
combien de temps ?
    – Oh ! une semaine, deux au maximum.
Si jamais ça va pas mieux, on vous tiendra au courant, monsieur Crête.
    Elle espéra qu’il n’avait pas senti le
sarcasme dans son entêtement à l’appeler monsieur Crête.
    – Tu lui diras que j’vas passer la voir.
Prendre de ses nouvelles, évidemment.
    Blanche sentit son cœur cesser de battre. Elle
réussit néanmoins à se contrôler.
    – Ça va nous faire plaisir, monsieur
Crête. Quel jour prévoyez-vous venir ?
    – Ça, je peux pas savoir. Quand ça va adonner.
    Elle le remercia poliment et quitta sa maison
aussi discrètement que possible. Aussitôt dehors, elle s’empressa de retourner
chez son oncle Edmond, pour l’informer que sa mère,
« officiellement », était alitée. Edmond hocha la tête et esquissa un
sourire.
    Elle rentra à l’école, bénissant cette fois la
bruine de la rafraîchir de toutes ses émotions. Ses sœurs avaient terminé la
vaisselle, n’ayant laissé que son couvert. Elle s’empressa de les informer du
jeu qu’elles devaient jouer jusqu’à ce qu’elle leur donne de nouvelles
instructions. Sachant que Joachim Crête était la victime du mensonge, elles
acceptèrent de bon gré.
    – Moman me l’a toujours dit : une
lettre qui vient d’Abitibi, ça prend des jours à arriver.
    Même le chagrin de Rolande semblait estompé.
    – Jurez, jurez sur la tête de moman que
jamais, jamais de votre vie vous allez raconter ça.
    Elles jurèrent et Blanche leur fit confiance.
    Edmond était au rendez-vous et Blanche
s’apprêtait à aller reconduire ses sœurs lorsqu’une énorme crainte lui serra la
poitrine. Joachim pouvait profiter de son absence pour venir
« visiter » sa mère. Il avait la clef de l’école. À contrecœur, elle
embrassa ses sœurs en leur disant qu’il était préférable qu’elle reste à la
maison.
    – J’ai un peu mal au cœur pis je voudrais
pas être malade en auto.
    – On te voit vendredi prochain ?
    – Normalement, oui. Mais faites donc un
effort pour porter vos culottes deux jours au lieu d’un. Pis faites la même
chose avec vos bas. Juste au cas où quelque chose me retiendrait à la maison.
Je parle d e quelque chose par rapport au jeu,
évidemment.
    Ses sœurs sourirent et partirent le cœur léger,
en faisant d’interminables signes de la main.
    Blanche monta à l’étage, défit le lit de sa
mère, sortit cinq couvertures auxquelles elle tenta de donner forme humaine.
Elle les recouvrit du drap et de l’édredon. Elle prit ensuite un plateau sur
lequel elle déposa une assiette souill ée, un
verre de lait sale et un biscuit dans lequel elle avait

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