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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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salle pour regarder ces comédiens répéter
dix fois le même geste sans se lasser. Elle resta ainsi dissimulée pendant près
d’une heure avant de ressortir. Les coulisses de la vie de comédien lui
paraissaient très ternes et elle comprenait mieux pourquoi personne ne pensait
à les éclairer.
    Elle rentra à la maison, affamée. Sa sœur
regarda l’heure et s’empressa de descendre au magasin.
    – Je pensais que tu serais ici plus tôt.
    Blanche ne put s’excuser, préférant cacher
qu’elle n’était pas rentrée immédiatement après le cours.
    – J’avais pensé emmener Aline au parc
LaFontaine. Les bateaux marchent encore ?
    – Oui, à cause du beau temps.
    Blanche partit avec une Aline radieuse. Elle
prit le tramway pour se rendre jusqu’à la rue Sherbrooke, ne voulant pas
fatiguer sa nièce. Elles firent un tour de bateau où Aline rit à gorge
déployée. Blanche elle-même sortait de la grisaille de son avant-midi. Aline,
fatiguée, voulut enfin dormir et Blanche étendit la couverture qu’elle avait
apportée à l’ombre d’un gros arbre. Elle l’avait choisi elle-même à leur
arrivée au parc, parce qu’il était assez bien situé pour lui permettre de regarder
l’activité qui régnait autour de l’hôpital Notre-Dame. Elle s’assit sur le banc
à côté de sa nièce, qu’elle avait endormie en lui racontant l’histoire du Petit
Chaperon rouge.
    Elle vit entrer et sortir des patients par la
porte principale, les reconnaissant à leur allure peu assurée ou aux pansements
qu’ils portaient comme des médaillés de guerre. Elle vit les infirmières marcher
d’un pas rapide malgré la lourdeur de leur cape dont elles ne se départaient
pas. Blanche sourit en pensant qu’elles devaient transpirer sous le soleil
rutilant. Elle reconnut les médecins à leur trousse et à la petite moustache
qu’ils portaient presque tous. La moustache semblait faire partie d’un uniforme
informel. Elle essaya de rire de ses déboires en se disant qu’elle n’aurait pu
être médecin, faute de moustache. Elle essaya d’imaginer les traits de cette
Marthe Pellan dont le secrétaire lui avait parlé, se demandant si elle avait le
dessus de la lèvre supérieure velu.
    Aline se réveilla en souriant, heureuse d’être
sous un arbre. Blanche la prit par la main et lui demanda si elle avait envie
de marcher un peu. Aline acquiesça, pensant qu’elles retourneraient près du
lac. Blanche lui fit traverser la rue Sherbrooke et c’est ensemble qu’elles
marchèrent dans le quadrilatère entourant l’hôpital.
     
    ***
     
    Blanche arriva au cours avant l’heure.
Quelqu’un l’interpella.
    – C’est toi qui regardes les spectacles
avant tout le monde ?
    Blanche rougit jusqu’à la racine des cheveux,
certaine que personne ne l’avait vue.
    – Pis ? Est-ce que c’est à ton
goût ?
    Le jeune homme debout devant elle souriait
avec un plaisir évident devant son malaise. Elle se racla la gorge.
    – À vrai dire, j’ai pas vraiment écouté.
    Le comédien fut déçu et Blanche, à son tour,
s’amusa de sa déconfiture.
    – J’ai regardé, par exemple. Pis la seule
chose que j’ai remarquée, c’est que vous étiez bien patients de toujours
recommencer la même affaire.
    Le comédien éclata de rire et Blanche vit
l’éclat de ses dents. Elle retint son sourire pour ne pas montrer sa dent d’or.
Si cette dent avait fait sa fierté du temps de ses fréquentations avec
Napoléon, elle en était maintenant gênée. Elle s’était plusieurs fois demandé
comment elle avait eu l’idée barbare de se faire extraire une dent saine. Elle
s’excusa et monta à l’étage de sa classe, laissant le comédien en plan.
    Le cours de sténographie fut intéressant. Elle
s’amusa grandement à reproduire des sons avec
une écriture qui ne ressemblait à rien. Le professeur la félicita. Elle n’osa
pas avouer que la matière la captivait uniquement parce qu’elle avait
l’impression de dessiner des motifs de dentelle. Elle se hâta de rentrer à la
maison, pressée d’apprendre d’autres caractères sténographiques.
    Aline l’accueillit et la harcela tant que
Blanche reporta son étude pour retourner au parc LaFontaine. Elles firent
exactement la même chose que la veille et Blanche, cette fois, reconnut deux
infirmières et trois médecins. Elle contourna encore l’institution et commença
à apprendre l’emplacement des portes et des fenêtres.
    Après un mois de cours,

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