Le cri de l'oie blanche
cesse.
Elles regardèrent l’heure et décidèrent qu’il
était temps qu’elles se quittent.
– Tu t’en vas chez ta sœur ?
– Oui. Pour la dernière fois. Toi ?
À ta belle p’ tite chambre ?
– Non. À l’hôtel. J’ai laissé ma chambre
avant de partir en juin.
– À l’hôtel ? Ça a pas d’allure.
Pourquoi dépenser pour une nuit ? Viens chez Marie-Ange.
– Non, merci. J’ai comme envie d’être
toute seule ce soir. Pour regarder la page se tourner. Lentement.
Blanche acquiesça. Elle aussi avait envie de
regarder sa vie changer de cap, bien appuyée au bastingage.
– Mesdemoiselles ! Mesdemoiselles,
s’il vous plaît ! Je demanderais un peu de silence.
Les étudiantes se turent et regardèrent celle
qui leur parlait.
– Nous nous sommes déjà toutes
rencontrées. Je suis la sœur hospitalière en chef. Je suis la responsable du
cours que vous suivrez de même que de chacune d’entre vous. Et je me rapporte
directement à la supérieure de l’hôpital, sœur Mailloux.
Elle avait souri et les étudiantes l’avaient
imitée. Elle les regarda attentivement.
– Je connais tous les tours de la
rentrée. Les matelas avec le drap du dessus replié ; le poivre en dessous
de la taie d’oreiller ; les vêtements qui disparaissent quand une
demoiselle est dans son bain, et je ne vous raconte pas le pire.
Les étudiantes éclatèrent de rire. L’une, plus
audacieuse que les autres, demanda, sans gêne, d’entendre le pire. Les
étudiantes applaudirent pour marquer leur accord.
– Si vous y tenez. Le pire, c’est
l’exploration de nuit des locaux des internes.
Un grand « Hein ? » parcourut
la salle. Pas une seule des jeunes filles présentes ne semblait attirée par une
telle aventure. L’hospitalière en chef sourit en coin et les regarda en se
mordant la joue. Quelques étudiantes détournèrent les yeux en rougissant.
Blanche se demanda si c’était de gêne ou de plaisir anticipé.
– J’ai exagéré. Ce n’est pas le pire de
la rentrée. Mais ça s’est déjà vu pendant les trois années qui suivent. Vous
n’êtes pas sans savoir que vous êtes d’abord ici comme
« probanistes ». Vous avez été choisies parmi plus de cinq cents
candidates.
Les étudiantes se regardèrent, à la fois
incrédules quant au chiffre qu’on venait de leur lancer et fières d’avoir été
choisies.
– La réputation des gardes-malades de
l’hôpital Notre-Dame n’est plus à faire. Nous avons sans cesse des requêtes de
différents autres hôpitaux qui veulent embaucher nos diplômées. Si vous avez lu les journaux cet été, vous avez dû apprendre que
Montréal a accueilli, en juillet, sept mille gardes-malades venues du monde
entier.
Plusieurs étudiantes, dont Blanche et
Marie-Louise, firent un effort pour cacher leur ignorance pendant que d’autres,
telle Germaine Larivière, marquaient leur assentiment en hochant la tête.
– Les dames patronnesses de notre hôpital
ont mis beaucoup d’efforts à bien les accueillir. Nous savons que
l’organisation de notre hôpital a impressionné les gardes-malades qui sont
venues ici. Alors, j’aimerais vous dire, avant que nous n’entreprenions quoi
que ce soit, que de chacune d’entre vous dépend la réputation de notre
institution. Et dès que vous porterez votre uniforme, vous deviendrez les
représentantes non seulement de l’hôpital mais de toutes les gardes-malades.
Blanche releva la tête. Ce que l’hospitalière
en chef venait de dire lui plaisait. Elle se promit de ne faire aucun écart.
– Nous aimons croire que les
gardes-malades que nous formons sont les plus qualifiées et les plus
compétentes du Québec et du Canada. Notre supérieure, qui, elle-même, a étudié
aux États-Unis, a fondé la première école de gardes-malades pour les
Canadiennes françaises. Ses vastes connaissances ont été utilisées pour sans
cesse améliorer le cours que vous suivrez. Maintenant, je vous confie aux sœurs
hospitalières, qui seront vos anges gardiens pendant toute la durée de votre
cours et continueront de travailler avec vous quand vous serez diplômées.
Les étudiantes remercièrent l’hospitalière en
chef et tournèrent leurs regards en direction des religieuses qui deviendraient
leurs professeurs. L’une d’elles prit la parole.
– Nous allons immédiatement aller à vos
chambres. Sur chacune des portes, vous pourrez lire le nom des occupantes.
Aussitôt ch ez vous , vous
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