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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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sur le sol. Il la regarda en
souriant, sachant qu’elle le verrait pour la première fois depuis longtemps
sans sa soutane. Il se doutait qu’elle réagirait comme elle le faisait
toujours. Elle ne dirait pas un mot, ne ferait aucune remarque, ne poserait
aucune question. Depuis les fêtes, elle n’avait même pas abordé le sujet de sa
vocation sauf pour lui dire que ce qui arrivait était « peut-être pour le
mieux ». Avec elle, il n’était pas question qu’il parle d e sa souffrance. Il devait rire ou à tout le moins feindre la
bonne humeur. Si elle sentait qu’il pouvait dire une chose qui lui tenait à
cœur, elle s’empressait de parler de leur enfance, comme s’il n’y avait que
cela qui les liait. Peut-être, en effet, n’y avait-il que cela pour elle ?
    – Je t’ai pas trop fait attendre,
j’espère ?
    – Non. J’avais une bonne lecture.
    – Qu’est-ce que c’est ?
    – Un dictionnaire latin-français.
    Il sourit, curieux de voir quelle pirouette
elle inventerait pour éviter de faire le lien entre le latin et la prêtrise.
    Maintenant, elle devait dire quelque chose.
Lui demander pourquoi il continuait de vouloir maîtriser son latin. Maintenant,
elle ne pouvait s’esquiver, il en était certain.
    – Comme moman ! Tu lis le
dictionnaire comme moman fait. Ma foi, Paul, ça doit être de famille.
    Il la regarda, frôlant l’émerveillement. Elle
avait encore réussi !
    – Qu’est-ce que tu t’es fait à la main,
Blanche ?
    – Quoi ?
    – Ça.
    Il désignait le dessus de sa main gauche.
    – C’est rien. Je me suis brûlée avec le
fer à repasser. Ça m’arrive quand je suis dans la lune.
    – Qu’est-ce que tu voyais dans la
lune ?
    – Est-ce qu’on y va ? Si on veut pas
être en retard, faudrait qu’on parte tout de suite.
    Chemin faisant, Blanche se demanda si Paul
marcherait encore longtemps. Elle avait remarqué que sa cheville droite était
enflée. Aujourd’hui, par exemple, il boitait légèrement. Tellement légèrement
qu’elle n’était même pas certaine qu’il en avait connaissance. Ils entrèrent
dans le cinéma et Paul lui demanda où était Marie-Louise.
    – Dans la salle des pansements du
troisième. Elle me remplace.
    – Ça ne lui a pas tenté de sortir ?
    – Ha ! oui. Marie-Louise sortirait
tout le temps si c’était possible. Mais Marie-Louise a le cœur grand quand il
s’agit de s’occuper des autres. Quand c’est à elle qu’il faut penser, son cœur
rapetisse.
    Paul regarda Blanche, presque étonné. Jamais
elle n’avait émis une opinion aussi radicale. Ainsi, la Marie-Louise avait un
grand cœur…
    Le film, quoique ennuyeux, réussit à les
distraire tous deux. Paul insista pour que Blanche soupe avec lui au
restaurant.
    – Je peux pas. J’ai des choses à faire ce
soir.
    – Manger avec moi ou à l’hôpital, ça
prend le même temps.
    – Je mange pas, ce soir. J’ai des fruits
dans ma chambre. Ça va faire.
    – Tu peux pas jeûner comme ça.
    – Sauter un repas a jamais tué personne.
    Paul la raccompagna donc. Avant de la quitter,
il lui annonça, aussi calmement que s’il avait parlé de la soudaine venue du
soleil, qu’il partait le lendemain pour Saint-Tite.
    – Pour une visite ?
    – Non, pour y rester.
    – Tu vas faire quoi, là-bas ?
Enseigner au collège ?
    – Non. Pas pour le moment. Je vais rester
avec moman et m’occuper d’elle un peu.
    Blanche se ferma, croyant que son frère, en
disant cela, lui reprochait d’avoir abandonné leur mère. Paul sentit qu’il
l’avait blessée.
    – Attention à ta sensibilité, ma chère
sœur. Je ne parlais pas de toi. C’est à moi que je pensais. Est-ce que tu te
rends compte que cette année je vais avoir vingt-deux ans et que je n’ai jamais
vraiment habité avec ma mère depuis que je suis parti pour Mistassini ?
Sais-tu quoi, Blanche ? J’espère la connaître juste un peu mieux.
    – Bonne chance !
    – Pourquoi tu dis ça ?
    – Je connais personne qui connaît moman.
    Paul ferma les yeux, touché. Il les rouvrit,
regardant sa sœur en face, sans battre une paupière.
    – Pourquoi est-ce que tu fais autant
d’efforts pour lui ressembler ? Laisse-toi donc aller un peu. Des fois, tu
me sembles aussi empesée que ton uniforme.
    – Moi, c’est pas pareil. J’ai rien à
dire.
    Paul se tut, refrénant une furieuse envie de
dire à sa sœur qu’il avait besoin de son aide. Mais sa sœur était fluide comme
une

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