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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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vrai
prêtre ?
    Blanche hésita avant de répondre, se demandant
s’il était convenable de parler des problèmes de son frère.
    – Jamais.
    Marie-Louise se tourna brusquement pour
regarder son amie bien en face.
    – Comment ça, jamais ?
    – Paul sort des ordres.
    Marie-Louise voulut s’attrister devant la
déconfiture de son amie mais en fut incapable. Son visage s’éclaira d’un
sourire à fendre la glace. Sans ajouter un mot d’explication, Blanche éteignit
sa lampe de chevet et se coucha, écoutant distraitement le babillage de
Marie-Louise.
    – Beau comme ça, ça se peut pas. Vous
vous ressemblez pas du tout. Euh… je veux pas dire par là que tu es pas
belle ; ça, on le sait, même les internes le savent, pis les filles pis
les sœurs. Mais ton frère est beau à mourir. J’ai bien pensé aussi qu’un beau
gars de même ça pouvait pas être prêtre. Je te jure que ton frère va avoir un
bel avenir, avec toute l’instruction qu’il a. Au moins un bac, non ? Pis
ce que j’ai trouvé de pas correct, c’est qu’il fume. Les prêtres fument pas,
non ? Pis à part ça, il se fait pas tirer l’oreille pour dire une affaire
comme… Comment est-ce qu’il a dit ? Ah oui ! la position du missionnaire.
Peux-tu imaginer ça si ton frère avait été chapelain ? Les gardes-malades
auraient passé leur temps à faire des dévotions…
    Blanche pensa à Paul puis à Napoléon. Elle
savait que Napoléon, de l’avis de toutes les filles qu’elle avait connues,
était cent fois plus beau que Paul. Si Marie-Louise avait connu Napoléon, elle
n’aurait jamais compris qu’elle ait rompu ses fiançailles. Marie-Louise était
la meilleure amie de la terre. Mais entre elle et Marie-Louise, il y avait une
grande différence : Marie-Louise égrenait le chapelet des médecins et des
internes célibataires, alors qu’elle-même connaissait tout au plus dix noms et
ne prenait même pas la peine de les distinguer derrière leurs moustaches toutes
taillées de la même façon. Elle s’endormit en souriant, pensant au docteur
Pellan. Contrairement à ce qu’elle s’était déjà imaginé, Marthe Pellan n’avait
pas de moustache. Elle bascula enfin dans son premier rêve, dans lequel elle
confondit les mots de Marie-Louise – « je pense que je suis en
amour » – avec une phrase que Napoléon lui disait, étendu à côté d’elle
sur un rocher du lac aux Sables.

3 5
     
    – Blanche ? C’est moman.
    – Allô ! moman. Est-ce que vous
allez bien ?
    – Oui. Mais j’ai reçu une autre lettre de
ton frère Paul. Il a eu les résultats de ses examens. Ça a l’air que son
problème, c’est le diabète.
    Blanche pâlit. À l’hôpital, on parlait
d’ouvrir un dispensaire spécial pour les patients souffrant de cette maladie.
Elle savait que ces malades recevaient de l’insuline, un médicament découvert
au Canada, sept ans plus tôt. Pour avoir fouillé pendant des heures dans les
livres de l’hôpital, elle savait aussi que l’espérance de vie de son frère
était diminuée et que, s’il avait un diabète sérieux, il pouvait avoir des
complications terribles. Paul aveugle… Paul amputé…
    – Tu m’écoutes, Blanche ?
    – Oui, moman.
    – C’est drôle, mais j’ai toujours su que
Paul avait quelque chose de pas correct. Tu te rappelles ? Toujours des
fièvres, pis toujours mal quelque part. Pis fatigué. En tout cas, j’ai
l’impression, tout à coup, que c’est ça aussi que ma mère avait. D’une certaine
manière, Paul a le même caractère que ma mère. Blanche ?
    – Oui, moman.
    – Est-ce que tu sais si ça se donne par
le sang ?
    – Vous voulez dire si c’est
héréditaire ? Il me semble avoir lu que
oui.
    – Ha… !
    La voix de sa mère venait de tomber au
diapason de la crainte.
    – Mais on sait pas comment expliquer ça.
    – Ah bon ! Blanche ?
    – Oui, moman.
    – Est-ce que tu peux lire là-dessus pis
me dire… ?
    – C’est pas grave, moman. Pis à c’t’heure
ça se soigne bien, à condition de laisser tomber le sucre…
    – Paul a jamais aimé le sucre…
    – Ça va se soigner encore mieux.
    La conversation se poursuivit pendant quelques
minutes, le temps qu’Émilie demande à sa fille d’aller voir son frère le plus
souvent possible avant qu’il ne revienne à Saint-Tite.
    – Blanche ?
    – Oui, moman.
    – Est-ce que tu pourrais me rendre un
service ?
    – Ça dépend.
    – Aller voir Henri Douville

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