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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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je
la dis, met les gens mal à l’aise. Mais vous, qui allez devenir une infirmière,
en avez vu bien d’autres. Vos résultats sont-ils bons ?
    Blanche se demandait pourquoi Douville lui
posait cette question. En quoi ses résultats pouvaient-ils l’intéresser ?
    – Je suis satisfaite.
    – Combien ? Dans les
quatre-vingts ? Quatre-vingt-dix ? Allez, ne soyez pas gênée, ni
faussement modeste. Où se situe votre moyenne ?
    Blanche vit qu’il ne serait satisfait que
lorsqu’elle aurait répondu à sa question.
    – Quatre-vingt-dix.
    – Quelle est votre moyenne la plus
élevée ?
    – Aux examens de Noël ?
    – Partout.
    – Quatre-vingt-dix-huit.
    – Ah ! ah ! ah ! Je le
savais ! Je le savais ! Votre mère vous a fait cadeau de son intelligence.
Si vous saviez, Blanche, comme il est dommage que cette femme n’ait pu
s’instruire. Quels exploits elle aurait pu accomplir !
    Blanche ressentit une vague douleur lui
comprimer la poitrine. Henri Douville heurtait ses ambitions à elle en
idolâtrant ainsi sa mère. Elle se leva tranquillement, pour ne pas froisser son
euphorie, et le pria de l’excuser. Douville redevint immédiatement sérieux.
    – Je pense que je deviens gâteux avec les
années. Mais, vous savez, j’ai eu pour votre mère…
    – Je sais…
    – Non, vous ne pouvez pas savoir. Pas
plus que votre mère n’a voulu savoir. Mais quand je vous regarde, je me dis
qu’elle a eu raison. Si elle a neuf enfants aussi magnifiques que vous, elle a
fait le bon choix. Vous êtes certainement plus intéressants à regarder qu’un
vieux presque chauve aux yeux incertains de la direction à prendre.
    Maintenant, Douville lui plaisait. Elle
comprit ce qui, chez lui, avait dû attirer sa mère. Elle s’approcha et lui
tendit la main. Douville l’accepta mais lui demanda si, en bon père de famille,
il pouvait l’embrasser sur la joue. Elle tendit la joue gauche et Douville y
posa des lèvres encore douces. Elle sourit.
    – Vous sentez aussi bon qu’elle. Et votre
peau est aussi veloutée que la sienne l’était. Est-ce qu’elle a toujours son
teint de pêche ?
    – Ah oui ! Mais pourquoi est-ce que
vous allez pas la voir ? Ma sœur Rolande va avoir quatorze ans pis elle,
c’est ma mère toute crachée. Sauf qu’elle a les yeux encore plus pâles que les
miens.
    – Les yeux de votre père…
    – Je me rappelle pas.
    – Je ne me rappelle pas…
    – Pardon ?
    – Vous avez pris la manie de votre mère
de ne jamais dire les « ne ». J’ai passé des heures à essayer de la
corriger.
    – Ha… !
    Douville devint encore plus sérieux.
    – Je n’irai pas la voir. Je préfère vivre
avec ma gentille illusion.
    Blanche sursauta. Il venait de qualifier sa
femme d’illusion.
    – Vous êtes sévère, monsieur Douville.
    – Non. Je suis tristement réaliste.

3 6
     
    Paul était assis sur un banc du parc
LaFontaine, devant l’hôpital. Il feuilletait un dictionnaire latin-français
tout en jetant un coup d’œil de temps à autre en direction de la porte centrale
de l’édifice. Il avait rendez-vous avec Blanche qui, il en était presque
certain, serait accompagnée de Marie-Louise. Depuis que le printemps avait
envahi Montréal, que Paul l’avait espionné dans les jardins entourant la maison
des oblats, il avait senti son âme mourir peu à peu à mesure que la vie
envahissait son environnement. Il avait dû quitter les ordres aussitôt les
fêtes de Pâques terminées. Pâques ne l’avait réjoui en rien. Les fleurs roses
et mauves qui ornaient l’autel avaient décoré le cercueil de son cœur.
    Depuis le jour de l’ An ,
il avait rencontré sa sœur toutes les deux semaines. Elle ne lui avait laissé
aucun répit, le traînant dans tous les musées pendant les mois d’hiver, et,
maintenant que la température s’entourait de clémence, elle ne savait
qu’inventer. Ils avaient vu le Jardin botanique, fait de longues promenades sur
le mont Royal ainsi qu’à l’île Sainte-Hélène. Aujourd’hui, elle lui avait
promis un peu de calme, lui proposant d’aller tout simplement au Ouimetoscope.
    Il l’aperçut enfin, se dirigeant vers lui d’un
pas rapide. Depuis qu’elle était étudiante infirmière, elle avait modifié sa
démarche. Avant qu’elle n’entre à l’hôpital, elle marchait d’un pas allongé, se
déhanchant naturellement, sans effort. Maintenant, elle avait une allure
aérienne et pressée, ne portant presque plus

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