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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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placer sa
tête sous son aisselle, simplement pour se faire croire que sa vie n’était pas
terminée. Une fois, une fois seulement, l’accueillir sans crainte d’avoir un
autre enfant. Pour le plaisir.
    Elle se leva et monta à sa chambre. Rolande
était bien installée dans leur lit.
    – Ce soir, Rolande, tu vas coucher dans
la chambre des visiteurs.
    Les dix-neuf ans de Rolande furent
scandalisés. Elle sortit de la chambre, incapable de comprendre ce qui poussait
sa mère à agir de cette façon. Émilie redescendit au salon et tendit une main à
Ovila. Il posa sa pipe dans un cendrier et la suivit, fébrile d’anticipation.
Il s’assit sur le lit pour se déchausser. Émilie se souvint qu’il avait
toujours enlevé ses souliers d’un coup de talon. Son agilité l’avait quitté.
Elle se tourna pour se regarder dans le miroir et aperçut le reflet d’une belle
Amérindienne, jeune et ferme, aux yeux bridés et éclatants de noir et d’ambre.
Émilie se mit à trembler. Elle avait presque oublié cette femme rencontrée
plusieurs années plus tôt. Une femme docile, silencieuse et souriante. Une
femme qu’Ovila avait essayé d’épouser, malgré son existence à elle et celle de
leurs neuf enfants. Elle était partie de Saint-Tite en catastrophe, confiant à
Blanche la responsabilité de la famille et de l’école. Elle était partie en
hurlant presque son humiliation. Les rumeurs, dans ce pays, voyageant plus
rapidement que le courrier, elle avait appris l’aventure et le mariage prochain
d’Ovila entre deux magasins et trois courses. Elle était arrivée à Duparquet en
coup de vent, avait trouvé le chalet de bois rond d’Ovila et était entrée sans
frapper. Cette femme, qu’Ovila appelait Rayon de Lune, s’était redressée,
offrant en un éclair toute la fierté de ses ancêtres. Émilie avait commencé à
bafouiller. Ovila avait vainement essayé de la calmer. Son incohérence s’était
rapidement changée en colère.
    « Si tu penses, Charles Pronovost, que de
faire publier des bans en te faisant appeler
Alvida, ça rend ton secret moins évident, tu te trompes. Il y a quelqu’un du
Bourdais qui était en visite dans la paroisse. La troisième publication !
Tu étais rendu à la troisième publication ! Pis personne savait qu’il y
avait un empêchement au mariage qui ressemblait à une femme pis neuf
enfants ! Franchement… Franchement… »
    Elle avait éclaté en sanglots et Rayon de Lune
avait discrètement disparu comme elle venait de le faire à l’instant. Émilie
n’apercevait plus que l’image de la vieille femme qu’elle était. Une vieille
femme dont les larmes trouvaient facilement leur chemin dans les rides du
visage qui leur était familier. Elle reboutonna sa robe et se tourna vers
Ovila.
    – Je suis pas fatiguée. J’vas aller
prendre un café. Toi, couche-toi pis essaie de t’endormir. Tu as le voyage dans
le corps en plus.
    Ovila secoua les épaules.
    – Tu penses à Rayon de Lune ?
    Elle ferma les yeux. Comment se pouvait-il
qu’après autant d’années d’éloignement ils soient encore capable de se
deviner ? Elle hocha la tête. Il se leva et vint se placer derrière elle.
Encore une fois, elle regarda le miroir. Elle essaya de retrouver dans leurs
rides la peau lisse de leur jeunesse.
    – Si ça peut te consoler, elle est partie
depuis six ans.
    – Tu as été avec elle pendant combien de
temps ?
    – Dix ou douze ans. J’ai jamais compté.
    – Est-ce que les enfants l’ont connue  ?
    – Non. J’ai jamais voulu.
    – Pourquoi est-ce qu’elle est
partie ?
    Ovila pinça les lèvres. Émilie fronça les
sourcils. Elle aurait juré qu’il retenait une envie de rire. Elle se tourna et
le regarda bien en face.
    – Pourquoi ?
    Maintenant, elle avait la certitude qu’il
voulait rire. Son hilarité commençait à lui soulever les épaules. Elle le fixa,
perplexe, et sourit à son tour.
    – Qu’est-ce qui te fait rire comme
ça ?
    Il éclata, se précipita vers le lit et s’y
laissa tomber sur le dos , les bras en croix.
Il pinçait les lèvres pour ne pas éveiller la maisonnée mais le sommier
craquait sous ses côtes. Émilie s’approcha de lui, prête à le suivre dans sa
folie.
    – Pourquoi ?
    Ovila secoua la tête.
    – Tu le croiras pas…
    – Cesse de rire pis dis-le. On sait jamais.
Peut-être que j’vas trouver ça drôle, moi aussi.
    – Oh ! oui, tu vas trouver ça drôle.
    Il reprit son

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