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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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abondamment et enrobait
chaque anecdote de mystères et de rebondissements.
    – Tu te souviens, Jean, de ce que faisait
le surveillant dans le dortoir ?
    – Si je m’en souviens…
    – Il nous trouvait trop sages. Ça fait
qu’il attendait que les lumières soient éteintes puis il lançait une poignée de
marbres sur le plancher…
    – De quoi ?
    – De marbres…
    – Qu’est-ce que c’est ?
    Lauzé chercha un autre mot. À défaut d’en
trouver, il décrivit ses « marbres ».
    – Des petites boules de vitre. Vous
savez, on les lance sur la terre…
    – Ah ! des billes !
    – C’est peut-être le mot. Nous autres, on
dit des marbres.
    – Ça vient de l’anglais, Clovis. Marbles.
    Lanctôt l’avait repris sans gêne et Lauzé
s’était aussitôt corrigé.
    – En tout cas, le surveillant les lançait
sur le plancher. Ça faisait un bruit d’enfer. Quand les billes arrêtaient de
rouler, il ouvrait les lumières et nous chicanait. Il demandait toujours au
coupable de se dénoncer. Le lendemain, il y avait à peu près dix gars qui
allaient dénoncer leur voisin. Pis ça amusait le surveillant. Ça a duré un bon
bout de temps, jusqu’à ce qu’il nous dise que c’était lui, le coupable !
    Le temps fila rapidement et Blanche commença à
retenir les bâillements qui la prenaient par surprise entre deux rires et une
gorgée de café refroidi. Elle regarda sa montre. Il lui fallait dormir si elle
voulait être en forme pour sa journée du lendemain.
    – J’imagine que vous aurez pas
d’objection à dormir dans le même lit ?
    Lauzé regarda Lanctôt et éclata de rire.
    – Je sais que les filles tombent en
pâmoison parce que Jean est beau, mais moi j’ai jamais aimé les chauves. J’ai
dit à sa femme que je le surveillerais, mais j’ai pas envie de le surveiller
d’aussi près…
    Blanche essaya de cacher son agacement. Ils
devaient comprendre qu’elle n’était pas installée pour faire des dizaines de
lavages de draps. Elle se leva quand même en souriant, demanda à Jeanne de la
suivre et monta à l’étage après avoir pris des draps supplémentaires dans la
lingerie.
    – Tu parles d e
beaux imbéciles, toi. Nous faire faire un lit de plus !
    – Tu couches dans ma chambre, Jeanne. On
va installer papa dans la chambre à côté pis les visiteurs dans les deux
autres. Papa va prendre le lit double pis eux autres chacun un lit simple.
Seigneur ! Pourquoi est-ce qu’ils nous compliquent la vie comme ça ?
    Les portes se fermèrent derrière les
« Bonne nuit ! ». Blanche, troublée, se tourna dans son lit,
trop épuisée par sa journée. Elle entendit les craquements du sommier du lit de
son père puis le silence. Son père s’était endormi. Jeanne aussi. Elle essaya
de ne penser à rien mais les images de sa journée, sa longue chevauchée de
bonheur, l’arrivée de son père, la soirée avec Lauzé l’empêchèrent de trouver
le sommeil, d’autant plus que Jeanne ne cessait de bouger. Comment avait-elle
pu, pendant des années, dormir avec ce ver à chou ? Elle se releva, enfila
ses pantoufles et un épais peignoir et descendit à la cuisine, résolue à faire
la vaisselle. Elle et Jeanne avaient remis cette corvée au lendemain.
    – Vous réussissez pas à dormir ?
    Elle n’avait pas entendu Lauzé arriver. Elle
sursauta, brusquement tirée de ses pensées.
    – Non. Trop de café, j’imagine.
    – Même chose pour moi.
    Sans ajouter un mot, Lauzé s’empara d’un linge
à vaisselle et essuya ce que Blanche déposait sur l’égouttoir. Il échappa une
assiette qui se brisa sur le plancher. Il se confondit en excuses, malheureux.
Blanche s’empressa de ramasser tous les morceaux de porcelaine.
    – Je commence juste à faire la vaisselle.
Depuis que je suis à Montréal. Faut croire que ça paraît que j’ai été gâté par
mes sœurs.
    – Chez nous, les garçons la faisaient
aussi souvent que nous autres. Ma mère a toujours dit que c’était une question
de principe. Elle a jamais voulu que les filles servent les garçons.
    Lauzé tiqua discrètement. Dans sa famille à
lui, les hommes vivaient en hommes. Mais maintenant, cette éducation lui
semblait déplacée.
    – Combien d’enfants est-ce que vous
étiez ?
    – Six filles et trois garçons. Vous
autres ?
    – Cinq filles et quatre garçons.
    – Neuf aussi ?
    – Oui. J’ai une sœur qui a eu la polio.
Ça change rien. Même si elle marche avec des béquilles,

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