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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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elle a fait des études
pis elle enseigne. À la maison. Elle a ouvert une classe privée. J’ai deux
autres sœurs qui sont religieuses.
    – Pas de prêtres ?
    – Non. Toutes les vocations sont allées
du même bord. Ch ez vous  ?
    – On a failli avoir un prêtre. Mais mon
frère a pas pu finir. Manque de santé. Pis j’ai une sœur qui est… lente. Mais
elle travaille. À Montréal. Ma mère a passé des années à lui montrer à écrire,
à lire pis à compter.
    – Vous en parlez souvent, de votre mère…
    – Je sais pas. J’en parle s ouvent ?
    La conversation ne se termina qu’au dernier
chaudron récuré. Lauzé avait changé de ton, posant des questions plus
sérieuses, négligeant son côté cabotin.
    – Je pense avoir fait une indiscrétion au
souper.
    – En rapport avec quoi ?
    – À votre père. Charmant monsieur, votre
père. Un vrai livre d’histoire.
    Blanche ne répondit pas, n’ayant nulle envie
de révéler ses secrets de famille. Elle suspendit les linges au-dessus du poêle
et renoua discrètement sa ceinture.
    – Bon. Vous êtes bien aimable de m’avoir
aidée. Je pense qu’à c’t’heure j’vas pouvoir dormir. Ça m’empêche de dormir
quand je sais que ma journée est pas finie. Je déteste me lever pis voir que la
veille est encore là.
    – Est-ce que ça veut dire que demain
j’vas être obligé de me présenter pis de raconter les mêmes histoires ?
    – Non. Pour vous, c’est pas pareil.
    Elle se tut, se demandant pourquoi elle avait
dit ça. L’heure tardive lui enlevait trop de retenue.
    – Demain, on part de bonne heure. Est-ce
que… vous voudriez que je vous écrive ? Je sais pas quand j’vas revenir à
Villebois. Des fois, on s’arrête à Amos. Des fois, à
La Sarre. Des fois, à Senneterre. Ici, on commence juste à monter les
gens…
    – Vous pouvez écrire.
    – Tant mieux.
    Ils remontèrent et Blanche lui souhaita bonne
nuit une seconde fois. Elle entra dans sa chambre, ferma la porte doucement et
s’y colla l’oreille. Elle entendit Clovis entrer dans sa chambre, s’approcher
de son lit et s’y étendre. Elle l’entendit se tourner et se retourner. Elle ne
bougea pas, s’amusant de son jeu.
    – Tu te couches pas ?
    Elle n’avait pas remarqué que Jeanne était
réveillée et sursauta.
    – Oui… Je… fermais la porte.
    – Pendant dix minutes ?
    – Parle pas si fort.
    Jeanne ricana et se rendormit. Blanche
s’étendit et contempla le reflet de la lune qui éclairait le mur de sa chambre.
Quelque chose en elle lui disait qu’elle venait d’entrer dans une nouvelle
saison. Son hiver venait de fondre et elle entrevoyait les bourgeons de la vie.
Elle pensa à son père qu’elle aurait voulu détester mais qu’elle trouvait
émouvant, malhabile et enfant. Elle avait passé des minutes à l’observer et
comprenait un peu mieux ce qui, chez lui, avait séduit sa mère. Elle pensa à
Clovis Lauzé et admira son assurance, s’amusa de sa fausse modestie et rit de
son sens de l’humour. Elle commença mentalement à lui écrire une lettre et
s’endormit sur une phrase inachevée dans laquelle elle l’invitait à venir
explorer en sa compagnie les sentiers qu’elle avait tracés dans le bois.
     

4 8
     
    Émilie essayait d’empêcher l’émotion de la
suffoquer mais les grandes orgues de l’église de Saint-Stanislas ne cessaient
de lui faire vibrer le corps au rythme de ses souvenirs, à la cadence du pas
qu’Alice avait emprunté, pendue au bras de son père. Émilie se tourna pour la
regarder passer, lui fit un sourire discret et un petit signe de la main
qu’elle regretta aussitôt, le trouvant possessif et enfantin. Ovila lui sourit
à son tour et la vue d’Émilie s’embrouilla. Dans son aveuglement, elle
confondait la robe d’Alice avec celle qu’elle-même avait portée trente-six ans
plus tôt. Même Ovila, vêtu d’un habit aux teintes sombres, ressemblait, par la
démarche qu’il avait adoptée, par l’assurance qu’il feignait d’avoir, à son
père.
    Émilie écrasa une autre larme et distingua
mieux les jeux de lumière que le soleil de septembre – le même soleil qui avait
présidé à son mariage à elle – s’amusait à faire dans la nef. Des nuages
faisaient momentanément disparaître l’éclat des vitraux pour ensuite permettre
au soleil de revenir en maître sur le maître-autel. En conquérant des yeux et
des émotions.
    Émilie se moucha silencieusement. Elle

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