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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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emporter. Si ça vous tente, on va aller manger près du
lac. Émilien va pouvoir nous conduire s’il veut bien aller demander un cheval à
Edmond.
    – Pourquoi pas son auto ?
    – Parce qu’une calèche, c’est pas mal
plus amusant.
    – Vous voulez quand même pas qu’on monte
dans votre vieille affaire qui tombe en morceaux ?
    – Oui, c’ est ce que je veux. Ma vieille calèche. En l’époussetant, ça sera pas trop mal.
    Ils étaient partis en chantant, sa mère ayant
apporté son accordéon. Blanche riait à pleines dents quand sa mère appuyait sur
une des deux touches qui, maintenant, demeuraient muettes. Son frère promit de
réparer l’accordéon.
    Ils s’assirent tous sous un arbre qui penchait
en direction de l’eau comme si ses branches, non contentes d’être nourries par
les racines, tentaient elles aussi de s’abreuver.
    – La première nouvelle, mais ça vous le
savez, c’est que Paul va arriver dans une semaine et demie ou deux.
    – Je me demande s’il a grandi beaucoup.
    – C’est difficile de savoir. On verra ça.
    – Tout à coup qu’on le reconnaît
pas ?
    – Ça, ça m’étonnerait.
    – Pis la deuxième nouvelle ?
    – Marie-Ange a été acceptée à
Trois-Rivières. Elle va aller étudier pour avoir son diplôme d’enseignement.
    – Pis, ajouta Marie-Ange, comme ça on va
être deux à pouvoir se visiter. Ça va être moins pire pour Paul… pis pour moi,
évidemment.
    Émilie avala lentement les betteraves marinées
qui restaient dans son assiette.
    – La troisième nouvelle, c’est que
Clément revient à Saint-Tite. Mémère Pronovost est pas bien, ça fait que tante
Éva a demandé à Clément de prendre une petite vacance. Peut-être même que
Clément va rester ici après.
    – Est-ce qu’il va aller au collège ou
est-ce que vous allez le prendre dans votre classe ?
    – Dans ma classe.
    Blanche fit une moue. Émilien, Rose et elle
seraient les seuls à n’avoir jamais été dans la classe ou l’école de leur mère.
    – La quatrième grande nouvelle, pis pour
celle-là tenez-vous bien parce que c’est la surprise des surprises, je pars
demain pour aller chercher Rose. À Montréal. Parce que Rose va arriver là,
directement des États-Unis.
    Les enfants hurlèrent de joie. Sa mère les
regardait, un sourire partout sur la figure, sur sa bouche, sur ses joues, sur
ses yeux, même sur son premier menton et sur le second qui bougeait toujours
quand elle riait.
    Le menton de sa mère avait provoqué une
dispute entre elle et une autre fille du couvent qui avait dit qu’il y avait
deux animaux qui avaient deux mentons : les grosses mères et les dindes.
Blanche l’avait mordue au bras, tellement elle avait été choquée. Elle avait
été punie sévèrement parce que la fille avait hurlé de douleur, ce qui l’avait
incitée, elle, à mordre encore plus fort. Et, pendant que la fille criait, elle
avait finalement lâché prise et lui avait chuchoté à l’oreille qu’il n’y avait
que deux animaux qui criaient aussi fort : les imbéciles et les putois.
    Rose était arrivée deux jours plus tard, cinq
jours avant Paul et trois jours avant Clément. Sa mère leur fit un immense
bouilli de légumes, avec des morceaux de beau bœuf. Pendant le souper, sa mère
ne mangea presque pas, beaucoup plus occupée à écouter toutes les histoires de
Paul, de Rose et de Clément, riant aux larmes chaque fois que Rolande demandait
le nom de chacun. Elle n’avait pas reconnu Paul et Rose et fuyait Clément. Elle
se souvenait certainement de tous les supplices qu’il lui avait infligés :
l’attacher avec une corde pour l’empêcher de se sauver ; lui faire peur le
soir quand ils éteignaient les lampes ; lui cacher les yeux dès qu’il
passait derrière elle à table.
    Sa mère s’était mouchée violemment parce
qu’elle ne cessait pas d’éternuer et leur avait demandé de compter le nombre de
personnes qui étaient à table. Ils répondirent qu’il y en avait dix et sa mère
sourit encore plus, tout en se mouchant de nouveau.
    – Pis, les enfants, qu’est-ce que ça vous
dit ?
    – Comment ça ? avait répondu
Clément.
    – Moi, j’vas vous dire ce que ça me dit.
Ça me dit que c’est la première fois que ça nous arrive depuis belle lurett e
    Ils l’avaient tous regardée, comptant les
années, puis ils avaient haussé les épaules. Marie-Ange avait voulu faire une
blague en disant que tout ce que ça faisait,

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