Le cri de l'oie blanche
était heureuse des
nouvelles que Paul lui avait écrites. Il passerait l’été à la maison parce que
les trappistes lui avaient trouvé un bienfaiteur qui paierait ses études au
séminaire Sainte-Marie de Trois-Rivières. Sa mère n’avait pas cessé de parler
du talent de Paul, au grand désespoir d’Émilien.
Pendant les vacances de Pâques, il y avait eu
un grand événement dans l’école. Adeline, la jolie demoiselle qui enseignait
aux petits, s’était levée un matin, courbée en deux. Sa mère s’était empressée
d’aller la voir et Adeline avait hurlé de douleur quand elle lui avait appuyé
sur le ventre. Sa mère avait demandé à Émilien d’aller chercher le médecin le
plus rapidement possible. Elle avait demandé à Marie-Ange d’avertir Joachim
Crête. Le médecin et M. Crête étaient arrivés en même temps. M. Crête
avait crié à la tête de sa mère qu’elle n’avait pas averti le médecin assez rapidement.
Sa mère lui avait répondu qu’elle l’avait fait appeler dès qu’elle avait vu Adeline.
M. Crête avait ajouté qu’elle aurait pu le faire aussitôt qu’elle avait su
qu’Adeline avait fait une indigestion. Sa mère avait dit qu’Adeline avait fait
une indigestion la veille mais qu’à son avis on ne dérangeait pas le médecin
pour une indigestion, « sauf si la personne malade a plus de quarante-cinq
ans ». Le médecin leur avait demandé de cesser de discuter et avait prié
M. Crête de trouver une automobile pour conduire Adeline immédiatement à
l’hôpital de Grand-Mère.
– À moins que je fasse erreur, nous
n’avons pas une minute à perdre. J’ai l’impression que c’est une appendicite et
je ne voudrais pas que ça crève.
M. Crête était parti à la hâte et était
allé chercher un des frères Matte, celui qui était très ami avec son oncle
Edmond. Tous les deux avaient des chevaux et s’amusaient à faire des courses le
dimanche, hiver comme été. M. Crête était revenu rapidement en parlant
sans arrêt à M. Matte, surtout de son frère qui lui avait confié la garde
de sa fille lorsqu’il avait déménagé à Batiscan.
Le médecin avait porté Adeline dans ses bras
jusqu’à l’automobile. Il l’avait entourée de couvertures, lui avait mis de la
glace sur le front et sur le ventre puis avait demandé à M. Crête de ne
pas perdre de temps. M. Crête était parti rapidement au moment où une
violente pluie s’abattait sur la toiture de l’automobile. Elle et Émilien
s’étaient approchés de la fenêtre pour voir Adeline, mais, à travers le rideau
de pluie, ils n’avaient aperçu que deux tache s
noires dans un cercle blanc entouré d’une couverture grise.
Sa mère était rentrée dans la maison et avait
demandé à Marie-Ange de la suivre. Marie-Ange avait obéi, et sa mère s’était
isolée avec elle dans un coin. Elles avaient longuement parlé. Pendant cette
conversation, Blanche s’était affairée à préparer le repas du midi. Le repas
était servi quand sa mère et Marie-Ange s’approchèrent enfin. Sa mère avait son
sourire des grandes occasions. Celui qui effaçait ses rides et faisait oublier
ses cheveux gris. Marie-Ange souriait aussi. Émilien les avait regardées.
– Vous prépareriez un mauvais coup que je
serais pas surpris.
– Cet après-midi, j’vas aller voir le
curé Grenier avec Marie-Ange.
– Dites-moi pas que le curé va être dans
votre mauvais coup aussi ?
– Qui a parlé d’un mauvais coup ?
Sa mère avait mis son chapeau de Pâques, celui
qu’elle avait fait faire et sur lequel il y avait trois fleurs, une pomme et un
oiseau, et elles étaient parties, à pied, se protégeant toutes les deux sous un
même parapluie. Sa mère n’avait pas voulu déranger un de ses oncles pour se
faire conduire au presbytère.
– J’ai deux bonnes jambes pis des bonnes claques. Marie-Ange en a des meilleures. La marche va nous faire digérer.
Blanche se demanda si sa mère avait voulu dire
que le repas était lourd. Sa mère et sa sœur étaient rentrées, sa mère souriant
encore plus. Blanche leur avait demandé ce qui se passait mais sa mère avait
dit que c’était une surprise et qu’elle pourrait répondre aussitôt que le curé
Grenier serait venu la visiter. Le curé était arrivé juste un peu avant l’heure
du souper et sa mère l’avait accueilli en se tordant les mains sur son tablier,
les joues roses – c’était peut-être la chaleur du poêle –, et
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