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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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grands-parents ?
    – Pas si vite. Marie-Ange est mariée
depuis un jour.
    Ils passèrent une soirée agréable, parlant
beaucoup d’Antoinette, peu d’eux-mêmes, préférant nettement tenir la
conversation à un niveau qui évitait toute confrontation avec leurs sentiments.
Émilie tira sur la chaînette de sa montre et soupira.
    – Je pense qu’il va falloir que j’y
aille. Clément doit m’attendre à l’hôtel.
    Henri éclata de rire. Elle fronça les
sourcils.
    – Penses-tu vraiment qu’il n’a rien
d’autre à faire que d’attendre sa mère ?
    – Clément a juste quatorze ans…
    – Mais dans sa tête, Émilie, dans sa
tête, il a quel âge, ton grand Clément ?
    – Quatorze ans !
    Émilie avait répondu sèchement, détestant la
lucidité d’Henri. Elle lui avait écrit de nombreuses lettres dans lesquelles
elle avait fait allusion à cet enfant « inconnu » ; elle venait
encore de lui en parler en laissant ses phrases inachevées, souhaitant qu’Henri
les complétât seul.
    Henri se leva et se servit un autre verre de
vin. Il lui tourna le dos pendant de longues
minutes et Émilie sut que maintenant Henri parlerait d’autre chose que des
enfants et petits-enfants.
    – Émilie, j’aimerais vraiment que tu
viennes habiter ici. Qu’est-ce qui te retient à Saint-Tite ?
    – Les enfants…
    – Tu sais comme moi que tu peux leur
donner une meilleure instruction à Montréal. Je pourrais t’aider…
    – Henri, je veux pas…
    – Toujours ta vieille manie de ne jamais
dire « ne »…
    – Je ne veux pas entendre ce que tu vas
me dire. Tu connais ma réponse. Tu sais ce que je pense.
    – Est-ce que nous devons tous les deux
payer pour une erreur de jeunesse ?
    – Erreur ? Quelle erreur,
Henri ? J’ai marié l’homme que j’aimais pis toi tu as marié la fille la
plus extraordinaire que moi j’ai connue .
    – Oui, mais…
    – Mais non, Henri. C’est facile pour toi
de penser à une autre sorte… d’avenir parce que tu es veuf. Moi, je suis encore
mariée pis j’ai l’intention de…
    – De le reprendre un jour ?
    Émilie sourit et soupira. Le reprendre ?
Elle n’en savait rien. Elle ne savait qu’une chose : il était quelque part
en Abitibi et n’était nulle part dans son cœur. Mais son corps, parfois, était
affamé.
    – Je pense, Henri, que ce que tu m’offres
est… Mais moi, Henri, je pense que j’aurais jamais le… talent d’être ta… dame
de compagnie.
    – Laisse-moi au moins en juger,
répondit-il, mi-moqueur.
    – Tu sais, Henri, que je déteste les gens
qui me jugent.
    Il l’accompagna jusqu’à son hôtel et lui baisa
la main, l’air narquois.
    – J’imagine que je suis condamné à te
sourire quand j’ai toujours eu envie de pleurer sur ton épaule.
    – J’imagine que c’est peut-être la seule
façon qu’il nous reste de nous dire nos vérités.
    – J’aimerais en savoir une, Émilie.
    – Laquelle ?
    – Est-ce que cela t’est déjà arrivé, une
fois, une minute, de m’aimer ?
    Émilie plissa puis ferma les yeux, cherchant
la réponse qu’elle devait lui donner. Elle lui prit enfin la main et, à son
tour, l’effleura de ses lèvres. Henri éclata de rire et elle l’imita.
    – Bonne nuit, mon amie, et bon retour.
    Clément était assis sur un des deux lits,
lisant distraitement un magazine qu’il s’était acheté. Il entendit tourner la
clef dans la serrure et s’empressa d’ouvrir à sa mère.
    – Déjà rentré ?
    – J’avais des choses à faire.
    Elle enleva ses gants lentement, tirant avec
précaution sur chacun des doigts, craignant que l’usure ne fasse céder les
coutures sous la tension. Elle les plia soigneusement et les déposa dans son
sac à main duquel elle sortit son poudrier et son bât on
de rouge à lèvres. Elle déboutonna son manteau et grimaça lorsque le dernier
bouton roula sur le plancher. Clément se pencha et le trouva sous un des lits.
Elle le regarda pendant qu’il lui tournait le dos et s’écrasait sur le plancher. Elle déglutit péniblement.
    – Qu’est-ce que tu avais à faire dans une
chambre d’hôtel ?
    – Mes valises…
    Ainsi donc, il ne rentrerait pas avec elle. À
quatorze ans !

 2 2
     
    Pour la dernière fois, Blanche repassait les
travaux de ses compagnes. Elle se demandait si les élèves avaient été plus
travaillantes que les années précédentes, trouvant qu’elle mettait plus de
temps à repasser les petits

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