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Le cri de l'oie blanche

Le cri de l'oie blanche

Titel: Le cri de l'oie blanche Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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baisa une main en
indiquant des yeux la chambre d’Émilie. Blanche sourit et lui tendit l’autre
main…
    Napoléon demeura à Saint-Tite et assista aux
imposantes funérailles que les citoyens firent à leur chef pompier. Les
pompiers volontaires, tout de noir vêtus, portèrent jusque dans l’église la
grande échelle sur laquelle ils avaient déposé le cercueil. Deux jours plus
tard, Napoléon accompagnait Émilie à la remise des diplômes au couvent de
Blanche qui, à son avis, était la plus jolie de toutes les finissantes. Il
sentit le regard d’Émilie chercher le sien et se tourna vers elle, le temps de
constater qu’elle avait les lèvres pincées et les yeux humides de fierté. Il se
pencha et lui chuchota de ne pas s’inquiéter, qu’il en prendrait toujours soin.
Elle sourit du coin de la bouche qui était de son côté et n’ajouta rien. Napoléon
aurait été surpris de savoir qu’à ce moment précis elle traçait une voie d’or
pour sa fille, voie qui la menait à Montréal et à l’université. Il aurait été
étonné d’apprendre que pour Émilie, si gentil, si convenable fût-il, il était
la cinquième roue du carrosse qu’elle conduisait dans son imaginaire. Mais il
aurait été bouleversé de savoir que Blanche, tout doucement, commençait à
penser comme sa mère.
    Aucune de ces pensées ne transpira quand
Blanche reçut ses cinq prix. Mais l’émotion fut à son comble lorsqu’ils
quittèrent le couvent et que la supérieure remit à Blanche les couvre-pieds, la
courtepointe et les serviettes de table qu’elle avait tissés, cousus et brodés
avec énergie pour laisser au couvent le meilleur souvenir d’elle-même.

2 3
     
    De voir et d’entendre sa fille fit qu’Émilie
reprit goût à l’enseignement. Elles s’organisèrent comme deux « vieilles
filles » ainsi que Blanche se plaisait à le dire, alternant pour sonner la
cloche, corrigeant leurs travaux en même temps, mangeant en tête-à-tête,
parfois sans parler parce que Blanche était absorbée dans la lecture de la dernière
lettre de Napoléon ou qu’Émilie voguait en pensée quelque part avec un de ses
enfants. Les corrections terminées et la table nettoyée des vestiges du repas,
Blanche s’installait pour écrire à son fiancé et Émilie sortait son crochet
pour continuer la layette qu’elle faisait pour Marie-Ange, qui était enceinte.
Le bébé n’était attendu qu’en mai et Émilie avait juré que ce serait le bébé le
mieux emmitouflé du monde.
    Blanche souriait en regardant sa mère compter
les mailles silencieusement. Avant les fêtes, elles reçurent des nouvelles de
Clément. Malgré ses quatorze ans, il s’était trouvé un bon travail à Cochrane,
en Ontario. Blanche savait que le départ de son jeune frère agaçait sa mère. Il
se serait éloigné pour étudier qu’elle s’en serait réjouie, mais partir de la
maison pour travailler dans les chantiers lui faisait horreur. Elle savait
aussi que sa mère s’inquiétait pour Rose. À vingt-trois ans, sa sœur roulait sa
bosse à Montréal, butinant toujours d’un emploi à l’autre. Émilie se
réjouissait néanmoins du cran de sa fille, qui s’adaptait bien à ce monde qui
ne la comprenait pas. Parfois, Blanche se demandait pourquoi Rose ne revenait
pas à Saint-Tite chercher la sécurité près de sa mère. Elle en fit part à
Émilie, qui se contenta de lui répondre que c’était préférable.
    – Rose m’aura pas toujours.
    – Oui, mais quand même, il me semble
qu’on serait moins inquiètes si elle était ici.
    – Sarah Leblanc est à Montréal avec elle.
C’est tout ce qu’il faut à Rose. Pis, c’est pas pour être méchante, mais j’ai pas
l’impression que Sarah va se marier. Rose s’est trouvé une deuxième mère.
    Les mois filèrent comme les aiguilles d’Émilie
et bientôt c’est à deux qu’elles firent la crèche de Noël. Napoléon ne put
venir pour le jour de l’ An parce que son père
n’allait pas bien. Paul fut coincé à Trois-Rivières par d’incessantes tempêtes
de neige. Marie-Ange, alourdie par sa grossesse et couvée par son mari, ne
voulut pas bouger de Montréal. Rose n’eut pas de congé, Émilien envoya une
longue lettre et de l’argent. Le silence de Clément se confondit avec celui de
son père.
    Blanche mit quand même des heures à décorer la
table pour ses trois jeunes sœurs et sa mère et invita son oncle Ovide à se
joindre à elles, ce qu’il fit sans se

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