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Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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cachette. Nul doute que d'autres invités vont se présenter.
    Après avoir vérifié que la voie était libre, Bourdeau se retira. Il revint bientôt et l'attente anxieuse commença, marquée par l'arrivée successive des participants à la soirée. Nicolas ne parvenait pas à celer son impatience. Il avait renoncé à consulter sa montre, craignant que la lueur de son briquet ne vînt à révéler leur présence. À la fin des fins, ils virent surgir Rabouine. Le plan appliqué dans le moindre de ses détails se trouvait en place et une soixantaine d'hommes entourait désormais le bateau de bains. On pouvait y entrer mais certainement pas en sortir. De même, côté rivière où trois barques patrouillaient dans le brouillard, circonstance qui leur permettrait d'approcher au plus près de l'établissement flottant en cas de besoin. Le moment était venu pour Nicolas d'investir la place.
    Il assura son tricorne tâtant au passage le pistolet de poche dissimulé contre l'une des ailes de la coiffure. Ce présent de l'inspecteur Bourdeau lui avait plus d'une fois sauvé la mise. Il vérifia également que son épée ne lui ferait pas défaut. Il serra la main de l'inspecteur et celle de Rabouine et se dirigea d'un pas ferme vers le ponton.
    Franchie la passerelle, il fut accueilli devant une sorte de comptoir par un laquais qui vérifia sans un mot son as de cœur déchiré. Toujours silencieux, l'homme désigna son chapeau, sa cape et son épée. Il hésita un court instant et réussit, en tirant son tricorne et en dégrafant sa cape, à faire glisser le pistolet de poche dans son habit. Il fut heureux de ne pas avoir choisi l'épée du marquis de Ranreuil réservée à de plus nobles expéditions. Ce hall d'entrée donnait sur deux escaliers symétriques qui descendaient vers une salle centrale plus vaste d'où montait une rumeur de fête. Il descendit et découvrit une foule de gens masqués qui buvaient. Le bois de l'endroit était dissimulé par des tentures de taffetas rose relevées de ganses d'argent. Des bougies rehaussaient l'éclat fardé des participants. Dans un angle, Nicolas découvrit une petite scène dont il s'approcha non sans peine tant elle était entourée de public.
    Deux jeunes gens, une fille et un garçon, y débitaient une parade obscène. À chaque phrase surgissaient des équivoques, de grossières plaisanteries et une corruption bien profonde qu'aggravaient encore les gestes et les postures qui les accompagnaient. Peu à peu l'atmosphère du lieu changeait. Les regards derrière les masques apparaissaient plus brillants, les provocations plus directes. Des couples se formaient, et parfois des groupes, qui prenaient le chemin des cabines de bains. Nicolas sentit le besoin de donner le change. Il avait repéré La Roussillon à son panache et à sa tournure cambrée. Elle semblait inquiète et ne demeurait pas en place, rejetant toutes les invites. Il s'approcha d'elle non sans peine et lui dit à l'oreille être envoyé par Rabouine. Il devait lui parler et lui proposait, afin de se soustraire à la curiosité de se réfugier dans une cabine de bains. Ainsi chacun les croirait en affaire. Elle l'entraîna tout de suite dans la coursive centrale à partir de laquelle se distribuaient les chambres de bains aménagées. Après plusieurs tentatives malheureuses qui déclenchèrent des cris et des protestations, ce qui indiqua à Nicolas que les pièces n'étaient pas pourvues de verrous, ils finirent par en trouver une libre. On y disposait d'une baignoire en cuivre, d'un banc, d'un guéridon où une bouteille attendait dans un rafraîchissoir, d'une toilette et d'une chaise longue. Il remarqua un ustensile étrange observé jadis chez une comédienne. C'était une sorte de cuvette d'étain montée sur un pied de bois avec son entourage en maroquin, son éponge et deux flacons de verre. Il reconnut cet ustensile qu'on appelait bidet et que Semacgus volontiers grivois avait un jour appelé « la pièce d'eau des cuisses ».
    À peine étaient-ils entrés qu'un valet vêtu de coutil bleu avec une mine qui correspondait peu à son état leur apporta des serviettes, du savon à la bergamote et des mules. Il fit plusieurs allers et retours versant des brocs d'eau chaude dans la baignoire. Cette tâche achevée, il demanda à Nicolas l'air engageant, s'ils « souhaitaient profiter de ses services, la demoiselle et lui ». Il ne dissimula pas sa déception d'être renvoyé avec le pourboire

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