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Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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ne pouvait qu'apprécier, en amateur, la pointe finale de son chef. Songeait-on à éblouir un subordonné par une information si aisée à recueillir pour celui qui disposait de l'immense armée d'informateurs d'une police admirée par toutes les cours d'Europe ? Pourtant la conversation avait été exempte d'agressivité ou de morgue, et la dernière question était peut-être davantage une sorte de taquinerie d'homme de pouvoir qu'une méchanceté gratuite. Le Noir tenait, ce faisant, à démontrer qu'à l'instar de son prédécesseur il maintenait la barre avec autorité et perspicacité.

    Alors qu'il traversait la cour de l'hôtel de Gramont, Nicolas se sentit tiré par les basques de son habit. Surpris, il se retourna pour découvrir la mine joviale du petit « vas-y-dire » du grand Châtelet qui, ces dernières années, avait si souvent saisi au vol les rênes de ses chevaux ou porté ses plis. Il avait grandi et sa veste de calemande brunâtre n'avait pas suivi, découvrant largement ses avant-bras.
    — Monsieur Nicolas, dit-il, M. le lieutenant général souhaite vous voir.
    — J'en sors ! répliqua Nicolas en riant.
    — Il s'agit de M. de Sartine, précisa le garçon avec componction.
    Nicolas s'évertuait à suivre le gamin qui gambadait comme un cabri. Il le mena à une porte prise dans le mur du verger, et qui ouvrait sur un parc. Sartine venait de louer un hôtel voisin et y avait emménagé dès sa nomination. Il aimait ce quartier neuf et aéré, à la fois préservé et proche du centre vivant de la ville. Nicolas entrevit, au-delà des arbres, un élégant bâtiment. Sur ses degrés, il fut mis entre les mains d'un vieux valet de chambre qui ne dissimula pas sa jubilation de le revoir. Il le fit monter au premier et l'introduisit dans un somptueux cabinet de chêne clair au plafond en berceau où était peint le jugement de Paris. Sartine, debout derrière un bureau de marqueterie, surprit le regard admiratif du visiteur.
    — Que vous en semble, Nicolas ? Le jugement de Paris pour l'ancien lieutenant criminel et chef de la police de Paris, n'est-ce pas bien trouvé ? On aurait voulu me flatter…
    Il sourit.
    — Rassurez-vous, j'ai découvert cela à mon arrivée.
    Nicolas retrouvait un homme enjoué à qui l'entrée dans les conseils du roi semblait avoir réussi. Il avait quitté l'habit noir et portait lui aussi, hasard ou fidélité, une soyeuse tenue gris perle.
    — Je vous dois mon dernier plaisir, reprit le ministre. Que dites-vous de cette merveille ?
    Il souleva de dessus son bureau une somptueuse masse de boucles blanches qui retombait mollement sur ses bras comme une cascade de crins blancs.
    — Y suis-je pour quelque chose ? dit Nicolas.
    — Vous oubliez m'avoir, il n'y a guère, indiqué cette incomparable boutique anglaise. Notre ambassadeur n'a eu qu'à cueillir cet exemplaire. Elle serait en tout point semblable à celle que porte le lord-maire de la cité de Londres lors des cérémonies.
    Il posa la perruque, pirouetta et fit un petit saut qui le replaça devant Nicolas abasourdi. Il le prit par les épaules et le dirigea vers l'un des murs du cabinet. Là se dressait un meuble richement contourné de bronzes et de marbrures. Le plus surprenant consistait en des dizaines de boutons d'ébène, chacun marqué d'un chiffre en ivoire. Tout cela ressemblait à quelque mécanique extraordinaire. Nicolas songea aussitôt à un buffet d'orgue. Avec un air de triomphe enfantin qui le rajeunissait, Sartine appuya sur l'un des boutons. Il y eut comme un échappement d'air. Nicolas se revit enfant, devant un rocher du Croisic qui faisait siphon aux grandes marées d'équinoxe. Une série de cliquetis suivit avec un bruit lent de crécelle, puis une musique allègre se fit entendre. Il y eut de nouveau un échappement et un sifflement. Un panneau glissa doucement et, comme sur un plateau, une tête de quintaine couverte d'une perruque rousse apparut.
    — C'est la Wurtembergeoise, dit Sartine épanoui. Que dites-vous de ma nouvelle bibliothèque à perruques ? Je ne trouve pas d'autre terme. Il faudra que j'interroge les académiciens. Concevez-vous une pareille merveille ! Elles sont rangées dans un classement immuable, comme des fiches de police, à l'abri de la poussière et de la lumière, et toujours prêtes à surgir à la demande.
    — Mais qui, monseigneur, possède l'art poussé à un point tel pour imaginer et bâtir une telle merveille

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