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Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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d'évoquer les diverses hypothèses que lui-même et Bourdeau avaient déjà formées. Le Noir l'écoutait avec un petit sourire contraint et sans cesser de caresser sa joue gauche avec la pointe de la plume dont il se servait à l'arrivée de Nicolas. Il ne posa aucune question et resta un long moment à fourrager dans l'amas de papiers qui couvrait son bureau. Nicolas revoyait avec nostalgie le meuble du temps de Sartine : jamais plus d'un papier et le seul almanach royal dans son édition de l'année, ou des perruques alignées comme à la parade. Le lieutenant général paraissait concentré dans sa lecture. Il finit par relever la tête.
    — Monsieur Le Floch, outre l'enquête sur les événements de la rue Saint-Florentin, j'apprécierais que votre habituelle sagacité s'appliquât à examiner quelques affaires urgentes qui, vu leur importance, non seulement suscitent mon embarras, mais imposent de n'être point confiées au premier venu.
    — J'attends vos ordres, monseigneur, répondit sobrement Nicolas.
    Le Noir se racla la gorge.
    — Voilà, reprit-il, M. de Vergennes vient de me faire passer une dépêche de notre ministre à Bruxelles. Celui-ci attire notre attention sur la disparition de deux jeunes filles de bonne famille. Elles se sont enfuies de chez leur mère, il y a quelques jours. L'une est âgée de vingt ans et l'autre de dix-sept. La première est un peu marquée de petite vérole…
    Il se replongea dans le document tandis que Nicolas ouvrait son calepin et commençait à écrire.
    — Bien, vous avez raison de relever ces détails… Que disions-nous ? Oui, petite vérole, bien prise de taille, avec des yeux bleus et les sourcils noirs. La cadette a également les yeux bleus et les sourcils noirs : elle est jolie et un peu plus grande que l'aînée. Elles parlent français et assez mal le flamand. L'aînée parle l'anglais, mieux que la cadette qui n'en connaît que quelques mots. Elles possèdent des hardes assez fournies et de bonne qualité. On m'énumère deux déshabillés de toile, des camisoles garnies en mousseline, deux déshabillés de soie jaune, un de satin bleu et gris à rayures, une robe de perse à fond blanc, fleurage rouge, une robe de gros de tours à quadrilles brun et jaune, une robe de damas jaune, une robe de taffetas garnie en gaze, deux robes de coton blanc, deux déshabillés de coton à lignes bleues, des chapeaux à l'anglaise blanc et noir et des manchons de satin rose et bleu. Mais le risque existe qu'elles soient déguisées en hommes. Elles ont été vues prenant la poste de France, et tout laisse à penser qu'elles envisageaient de se rendre à Paris. Nulle trace depuis. Je n'ose imaginer les dangers que leur innocence peut courir dans notre capitale… Voyez ce qu'il y a à faire et m'en rendez compte.
    — Si je les retrouve, observa Nicolas, la prise de corps s'imposera.
    — Certes. On les mettra à l'abri dans quelque couvent en attendant que la famille prenne les dispositions pour les rapatrier. Dans ce cas, il faudra, sans désemparer, avertir nos gens à Bruxelles.
    Nicolas s'apprêtait à prendre congé. Son chef le retint d'un geste.
    — Encore autre chose. Si j'en crois ce que m'avait assuré Sartine à votre sujet, vous avez longtemps assuré la sûreté du roi et de la famille royale.
    — L'attentat de Damiens contre le feu roi avait révélé de criantes insuffisances, répondit évasivement Nicolas.
    — Il se trouve que la reine s'est plainte à Sa Majesté de la présence de mystérieux étrangers dans ses jardins de Trianon…
    Il consulta un papier.
    — Le 10 août dernier, Claude Richard, le jardinier en chef, et son fils Antoine ont croisé deux femmes vêtues et coiffées d'étrange manière. Celles-ci les ont toisés. Un proche de la reine a fait la même surprenante rencontre. Le roi m'en a parlé hier après la messe.
    Nicolas eut une grimace de mécontentement.
    — Pourquoi nous prévient-on si tardivement ? Dans ce type d'affaire, la rapidité est gage de succès.
    — Que sais-je ! dit Le Noir en agitant la plume qu'il n'avait pas lâchée. La reine en a parlé au roi qui a haussé les épaules une première fois. Elle est revenue à la charge devant l'inquiétude de ses gens. Voyez cela et rassurez-la. Enfin…
    Nicolas n'en croyait pas ses oreilles. Y avait-il pénurie ou hécatombe de policiers, que tout lui tombât en un jour sur les épaules ? Il nota pourtant que l'instruction donnée impliquait qu'il

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