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Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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accordera une indemnité aux propriétaires dont le bétail sera sacrifié. Ce sacrifice douloureux mais nécessaire doit devenir plus facile quand on y trouve son avantage ! Se relâcher sur cette précaution serait une condescendance funeste. Ce serait se rendre complice de l'aveuglement d'une populace aussi ennemie d'elle-même que du bien public.
    — Cela implique toutefois de redoutables mesures, objecta Nicolas.
    — En effet, dit Le Noir. Il faut non seulement couper par des cordons de troupes le passage des animaux d'une province à l'autre. Dans les villages où frappe le fléau, le bétail doit être séquestré et isolé. L'expérience des États voisins prouve que l'abattage des bêtes malades permet de préserver les autres. Il faut en convaincre les paysans, ou leurs maîtres. Là où le bât blesse, c'est lorsque l'indemnité promise tarde. Cette lenteur incite certains à ne pas signaler la peste dans l'espoir, toujours vain, que leur bien puisse en réchapper. Des mesures sévères sont et seront prises par les intendants aidés de troupes ou par les brigades de maréchaussées. Tout dépendra encore une fois d'une bonne police 25 , de la vigilance, de l'exactitude et de l'activité de ceux qui sont chargés de l'application de ces mesures. Il est également essentiel de ne permettre ni le transport, ni la vente des animaux où règne le mal. Les transactions furtives et les déplacements nocturnes et clandestins des bêtes doivent être réprimés sans pitié. De toutes les contrebandes, la plus sensible pour le royaume est celle d'une seule bête malade échappée au contrôle et qui peut causer la ruine de toute une province et menacer la prospérité générale !
    — Qu'attendez-vous de moi ? demanda Nicolas.
    — Je veux que vous preniez langue avec les principaux de cette corporation. L'approvisionnement de Paris est de mon ressort. Il convient absolument de leur faire savoir, mais en toute discrétion, que leur salut et l'intérêt commun exigent qu'ils observent, comme parole d'évangile, les instructions que Sa Majesté a fait publier dans les provinces méridionales. Qu'ils en prennent connaissance et qu'ils s'en pénètrent. S'ils n'entendent le raisonnement de ces préceptes, n'hésitez pas à hausser le ton et à les placer de la manière la plus nette devant leurs responsabilités. Agitez le spectacle de leurs bêtes achevées, de leurs étables vides, de leurs fortunes renversées. Dressez le tableau d'un Paris affamé ou, pire, décimé par cette peste à laquelle eux-mêmes ne réchapperont pas. Insinuez la menace des rancœurs, pour ne pas dire plus, ruminées par le peuple dont la colère retomberait sur les nourrisseurs. Et si tout cela ne suffit pas, menacez-les de lettres de cachet et de la Bastille, où en cas de désobéissance, je n'hésiterais pas à les jeter. Mais je vous sais diplomate, habile à convaincre et à agiter la hache sans avoir à la laisser tomber.
    Nicolas, battu à ruines 26 , soupira intérieurement. Où trouverait-il le temps de poursuivre son enquête à l'hôtel Saint-Florentin s'il devait le perdre à déférer sans délai aux trois requêtes du lieutenant général de police ? Sans en avoir la certitude, il le soupçonnait de le pousser à dessein à se rebéquer, au pire à provoquer un mouvement d'impatience et de révolte qui, dans ces circonstances, équivaudrait à un refus d'obéissance. Il se tint coi, salua et se retira sans un mot. La main sur le bouton de la porte, il entendit Le Noir lui susurrer une dernière recommandation.
    — J'oubliais, monsieur. Pendant que vous transmettez mes ordres aux nourrisseurs de bestiaux, veillez à les interroger sur votre Marguerite Pindron. Vous constaterez qu'elle est fort connue au Faubourg-Saint-Antoine, dans ce milieu-là. Ah ! encore autre chose. Je dois traiter une personne de qualité. On me dit que votre goût pour les choses de la table est incomparable. Puis-je avoir votre sentiment ? J'ai fait venir à grands frais de Strasbourg du pâté de foie gras apprêté selon la recette du maréchal de Contades. Que dois-je servir avec ?
    — Un tokay de Hongrie s'imposerait, monseigneur, mais pour rester français, je vous conseillerais quelques flacons de quart de Chaume, vin qu'on l'on trouve en Anjou et dont se délectait Madame Catherine, veuve du roi Henri II.
    — Je vous remercie, monsieur Le Floch. Serviteur.

    Nicolas serra les dents sans broncher. Se moquait-on de lui ? Il

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