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Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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milieu des troubles.
    — Et de tout cela, monseigneur, quelles leçons tirez-vous ? demanda doucement Nicolas.
    Il trouvait l'exorde bien long, comme si le ministre hésitait à franchir un pas.
    — Mon cher Nicolas, deux noms aujourd'hui se trouvent en vedette. L'un est celui d'Aiguillon dont vous-même avez éprouvé les boueuses menées 27 . L'autre est Choiseul, mon protecteur, auquel je suis, depuis sa disgrâce, resté secrètement fidèle. Il a la supériorité du talent et de l'intelligence et le souvenir éclatant d'un long et glorieux ministère.
    Nicolas soupira. Il songea à Naganda, son ami mic-mac, et à tous ceux que l'abandon de la Nouvelle-France avait laissés orphelins. Qu'y avait-il de si glorieux dans la perte du Canada et des Indes ?
    — De surcroît, poursuivit Sartine, il a l'appui des parlements qu'il convient de toujours accompagner dans leurs mouvements pour les mieux contrôler. Le parti philosophe l'encense sans relâche. Seul le roi est contre lui, à qui on a fait accroire qu'il aurait empoisonné son père. Des ragots ramassés dans les sentiers par Mme de Marsan, sa nourrice, et repris par ses tantes. Mesdames n'en font jamais d'autre. Têtes folles et cervelles d'oiseau !
    — Et Maurepas ? dit Nicolas.
    — Il ne pèse rien dans ce débat qui finira par éclater. Maurepas est un mannequin, un automate surgi du passé. Insinuant et mobile, propre aux anecdotes plaisantes. De la poudre aux yeux ! Il ne fera pas long feu, il possède les mêmes défauts que le roi. Il faudra choisir. La reine fera la différence, elle hait Aiguillon.
    Il se laissa gracieusement tomber dans son fauteuil et plongea aussitôt les mains dans la masse de la perruque étalée comme s'il voulait en démêler les boucles avec frénésie.
    — Beaucoup de ministres du feu roi encore en place, reprit-il, constituent autant d'obstacles qu'il convient d'écarter.
    La main frappa la planche du bureau.
    — Le duc de la Vrillière le premier. On m'assure qu'il vous a chargé d'enquêter sur une mort survenue dans son hôtel ? Votre disgrâce a été brève, vous rebondissez par le haut.
    — Oui, monseigneur.
    — Oui pour l'enquête, ou pour le rebondissement ?
    Le ton était inquisiteur ; Nicolas retrouvait le lieutenant général de police de naguère.
    — Apprenez tout d'abord, laissa tomber Sartine, que, contrairement à ce que vous pensez, le maître n'était pas à Versailles cette nuit, mais à Paris pour affaire galante, si mes renseignements sont bons et ils le sont généralement, vous le savez mieux que quiconque.
    — J'en prends note, monseigneur, répondit prudemment Nicolas.
    — Il ne suffit point d'en prendre note, monsieur Le Floch, il faut encore s'activer et, si vous m'en croyez, me mettre à même de vous aider.
    — Je suis votre serviteur.
    — Cette affaire regarde nos intérêts. Tout ce qui abaissera La Vrillière servira le retour de Choiseul. Aussi je compte sur vous, sur votre fidélité, pour me tenir informé du détail de votre enquête. Il y va du salut de l'État. Et si quelque scrupule s'emparait de vous, songez de quelle indigne manière ce personnage vicieux vous a traité à la mort du roi.
    Nicolas, qui conservait toujours son libre jugement, songea à part lui que Louis XV lui-même l'avait sans vergogne choisi comme instrument d'une ultime intrigue, et que La Vrillière n'avait fait que suivre l'exemple de son maître. Bien qu'initié de longue main aux vicissitudes du secret, il demeurait sans voix devant la proposition de Sartine. Celui-ci se dirigea vers la cheminée, saisit le tisonnier et se mit à remuer des braises inexistantes. Nicolas lut dans ce geste un trouble peut-être égal au sien. Le ministre connaissait sa loyauté et sa rectitude. Il pouvait donc imaginer le mouvement de répugnance que sa suggestion déclenchait et regretter de s'être exposé à ce point.
    Nicolas balançait entre plusieurs sentiments. Certes, il était en droit de prendre la chose en toute simplicité, comme une marque de confiance renouvelée que lui prodiguait M. de Sartine. Cependant de fâcheux précédents lui revenaient en mémoire, exemplaires du goût et de la pente du magistrat pour le pouvoir et la manipulation. Sous le vernis de l'homme de cour, sous l'exacte courtoisie du gentilhomme, la raideur et la froideur du procureur des choses obscures, assoupies et clapies comme des bêtes nocturnes, resurgissaient parfois. Nicolas, malgré son affection

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