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Le crime de l'hôtel Saint-Florentin

Titel: Le crime de l'hôtel Saint-Florentin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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deux cent soixante navires marchands escortés par huit vaisseaux de soixante-dix ou soixante-quatorze canons… Ma foi, j'en frémis encore ! Une fois sortie de la rade de Brest, la croisière anglaise du contre-amiral Hawke tenta, au large du cap, de nous couper la route.
    — Cette force l'emportait-elle en nombre ?
    — Hélas, de près du double ! Quatorze gros vaisseaux s'alignaient. Le marquis, excellent marin, s'empressa de former la ligne et opposa ses huit vaisseaux aux tentatives anglaises. Nous réussîmes à leur tenir tête assez longtemps pour permettre au convoi de s'enfuir vent arrière et de prendre la poudre d'escampette.
    — Et l'ennemi laissa faire ?
    — Songez donc, point du tout ! Hawke comprit alors qu'il risquait là l'échec de sa mission. Il dépêcha le Lion et la Princesse Luisa pour prendre en chasse le convoi. La manœuvre était hasardée, du fait du déroulement du combat et de l'état de la mer. Nonobstant tout cela, ils tentèrent de passer au nez de notre ligne. Comme si nous étions disposés à les laisser prendre leur erre ! Nous tirâmes à boulets ramés et ils furent déségrès, hors de pouvoir poursuivre. Diable, ce récit me donne soif ! Pendant que la pouliche se bouchonne, nous allons en profiter. Dieu ait en sa sainte garde ma défunte femme, mais la surveillance d'une fille est bien la pire calamité qui puisse survenir à un homme de mon caractère. Car elle tient la barre, la coquine !
    Il se dirigea vers une rangée de livres. Une fausse reliure contenait une carafe de cristal et deux gobelets. Après y avoir versé un beau liquide ambré, il en tendit un à Nicolas.
    — Un vieux rhum de l'Île Bourbon. Êtes-vous amateur ?
    — J'en raffole, monsieur. Un mien ami, chirurgien de marine, m'a fait connaître cette boisson.
    — Comment se nomme-t-il ?
    — Guillaume Semacgus.
    M. d'Arranet se frappa la cuisse.
    — Bast ! Guillaume ! Je lui dois une jambe ! C'est lui qui m'a tiré un morceau d'espar pointu qui m'avait traversé le mollet et cassé un os. Je serais heureux, monsieur, de le revoir. Soyez mon ambassadeur.
    Ils trinquèrent. L'alcool était puissant et savoureux.
    — Revenons à mon récit. Hawke, furieux, entendait nous détruire. Il jeta son escadre sur nous. La défense fut digne de l'attaque. Il nous avait doublés par la queue de la ligne. Plusieurs de nos vaisseaux furent contraints d'amener leur pavillon après une terrible lutte de huit heures. Quand le Tonnant se rendit, ce n'était plus qu'un brûlot où gisaient morts et blessés. Un garde de vingt ans, M. de Suffren, pleurait de rage et refusait farouchement qu'on touchât à la drisse du pavillon de poupe.
    Il se versa un second verre après en avoir proposé un à Nicolas qui refusa.
    — Comme il vous plaira ! Quand le soleil se coucha, l'escadre française n'était pas entièrement réduite. Restaient Le Tonnant , où l'amiral avait sa marque, et L'Intrépide , commandé par Vaudreuil. En fait, Le Tonnant démâté n'était plus qu'une épave.
    — Vous-même, monsieur, où vous trouviez-vous ?
    — J'étais le second de Vaudreuil. Il osa une manœuvre désespérée. Il vira de bord sous le feu ennemi, malgré ses haubans et ses étais hachés par la mitraille, et amena un canot auquel il fit porter deux câbles au Tonnant . Le tout à portée de pistolet des Anglais. Après quoi, L'Intrépide remorqua Le Tonnant à leur barbe, chaque vaisseau ayant son pavillon cloué à son bâton de poupe. Six jours plus tard, le chef d'escadre rentrait à Brest et, surtout, le convoi parvint aux Antilles, qui ne souffrirent plus de la disette !
    Une voix rieuse retentit.
    — Mon père, vous n'en ferez jamais d'autre ! Vous voilà pérorant en buvant votre liqueur infernale, et fatiguant notre hôte de vos exploits !
    Le comte prit un air contrit. Sa fille lui sauta au cou et l'embrassa.
    — Ce qu'il ne vous dit pas, reprit-elle en se tournant vers Nicolas, c'est que cette barque providentielle, c'est lui qui la commandait. Je vois que vous avez fait connaissance.
    Le comte cligna de l'œil vers Nicolas.
    — Constatez comment une fille élevée au couvent traite son vieux père ! Sais-tu, Aimée, que notre ami connaît Guillaume Semacgus, dont je t'ai si souvent rebattu les oreilles et à qui je dois d'être encore sur mes deux jambes ? Hein ? Quelle coïncidence ! Pour cela, je te pardonne ton imprudence.
    — C'est un ami très cher, qui compte beaucoup

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