Le Crime De Paragon Walk
regarda ses fleurs.
— Je… j’étais juste venue apporter ceci.
Jessamyn, qui avait suivi son regard, leva lentement un pied
et les écrasa, pesant de tout son poids, jusqu’à les réduire en bouillie et les
étaler sur la terre dure comme de la pierre. Puis elle dévisagea Charlotte et, calmement,
laissa tomber ses lis au même endroit.
Au-dessus d’elles, le tonnerre crépita sourdement, et les premières
grosses gouttes de pluie atterrirent sur leurs robes.
Charlotte voulut lui demander pourquoi elle avait fait cela.
Les mots se formaient clairement dans sa tête, mais elle ne trouvait plus sa
voix.
— Vous ne le connaissiez même pas ! fit Jessamyn
entre ses dents. Comment osez-vous venir ici avec des fleurs ? Vous n’êtes
qu’une intruse. Allez-vous-en !
Les pensées de Charlotte tourbillonnaient, désordonnées et
fulgurantes comme des éclairs. En regardant les lis sur la tombe, elle se
souvint des paroles d’Emily : Jessamyn ne donnait rien, même quand elle n’en
voulait plus. Elle préférait détruire ce qui lui avait appartenu plutôt que de
le laisser à quelqu’un d’autre. Emily parlait des robes.
— En quoi cela vous dérange-t-il que je fleurisse sa
tombe ? demanda-t-elle le plus posément possible. Il est mort.
— Cela ne vous donne aucun droit.
Jessamyn avait pâli et ne semblait même pas remarquer la
pluie qui tombait dru à présent.
— Votre place n’est pas à Paragon Walk. Retournez d’où
vous venez. N’essayez pas de vous incruster parmi nous.
Mais les idées se concrétisaient, se précisaient dans l’esprit
de Charlotte. Toutes sortes de questions rentraient enfin dans l’ordre, trouvant
leurs réponses. Le couteau, pourquoi Pitt n’avait pas relevé de traces de sang
dans la rue, le désarroi de Hallam, Fulbert… toutes les pièces s’emboîtaient, même
les lettres d’amour découvertes chez Hallam.
— Elles n’étaient pas de sa femme, dit-elle tout haut. Elle
ne les a pas signées parce que ce n’est pas elle, mais vous qui les avez
écrites.
Les sourcils de Jessamyn dessinaient deux arcs parfaits.
— Mais de quoi parlez-vous, voyons ?
— Des lettres d’amour adressées à Hallam, que la police
a trouvées. Elles étaient de vous ! Hallam était votre amant. Vous deviez
avoir la clé de la porte du jardin. C’est comme ça que vous vous rendiez chez
lui, et c’est ainsi que vous êtes entrée le jour où Fulbert a été tué. Évidemment,
personne ne vous a vue !
Jessamyn fit la moue.
— C’est complètement idiot ! Pourquoi aurais-je
tué Fulbert ? C’était un petit misérable, certes, mais il ne méritait pas
la mort.
— Hallam a avoué le viol de Fanny…
Jessamyn grimaça, presque comme si elle avait reçu une gifle.
Charlotte s’en aperçut.
— Vous ne l’avez pas supporté, n’est-ce pas, que Hallam
désire une autre femme au point de la prendre par force, surtout l’innocente, l’insipide
petite Fanny ?
Elle improvisait maintenant, mais elle ne pensait pas se
tromper.
— Vous l’avez usé par votre possessivité et, quand il a
tenté de reprendre ses distances, vous vous êtes accrochée à lui, le poussant à
chercher refuge dans la boisson !
Elle inspira profondément.
— Bien sûr qu’il ne se rappelait pas avoir tué Fanny ;
il n’y avait pas de couteau et pas de sang sur la route. C’est vous qui l’avez
tuée ! Lorsqu’elle est arrivée, titubante, dans votre salon et vous a
raconté ce qui s’était passé, vous avez donné libre cours à votre rage et à
votre jalousie. On vous avait écartée, rejetée au profit de votre insignifiante
petite belle-sœur. Vous avez pris le couteau – peut-être même, tout bêtement, celui
qui était dans la coupe de fruits sur le buffet – et vous l’avez poignardée, là,
sous votre propre toit. Vous étiez couverte de sang, mais ça, c’était normal !
Et vous avez juste lavé le couteau pour le remettre dans les fruits. Personne n’y
a prêté attention. C’était tellement facile.
« Et puisque Fulbert, avec ses yeux de fouine, vous
connaissait trop bien, vous avez décidé de le supprimer lui aussi. Peut-être vous
a-t-il menacée, et vous l’avez défié d’aller voir Hallam, sachant que vous
pouviez le surprendre en passant par-derrière. Etiez-vous informée que Hallam
était sorti ce jour-là ? Sûrement, oui.
« Quelle n’a pas été votre stupeur quand on n’a pas
retrouvé le corps ! Vous avez compris
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