Le Crime De Paragon Walk
épargnée.
Charlotte aurait voulu poursuivre, mais sentir une telle peur lui fendait le cœur. Elle posa la main sur le bras d’Emily.
— Voilà un excellent conseil, déclara-t-elle, ravalant son émotion. Si vous voulez bien nous excuser, nous devons parler à Lady Tamworth. Nous ne l’avons même pas encore saluée.
— Bien sûr, murmura Phoebe. Mais faites très attention à vous, Emily ! Souvenez-vous de ce que je vous ai dit.
Emily sourit faiblement et se dirigea à contrecœur vers Lady Tamworth.
Ce fut seulement au bout d’une demi-heure qu’elles parvinrent à s’éclipser derrière les rosiers et à se glisser discrètement dans le jardin privé. Elles se retrouvaient dans le chemin herbacé qui aboutissait à une autre haie, plus haute et totalement impénétrable.
— Et maintenant? s’enquit Charlotte.
— Il faut aller de l’autre côté. Il y a sûrement un passage ou une porte quelque part.
— J’espère qu’elle n’est pas fermée.
Charlotte était contrariée. Si tel était le cas, elles
ne pourraient pas aller plus loin. Curieusement, cette idée ne l’avait pas effleurée plus tôt, car elle-même ne fermait jamais ses portes à clé.
Elles marchaient côte à côte, scrutant le feuillage épais jusqu’à ce qu’elles tombent sur la porte, pratiquement masquée par la verdure.
— On dirait qu’elle n’est pas utilisée ! s’exclama Emily, incrédule. Ce n’est pas possible.
— Attends une minute.
Charlotte l’examina de plus près, se penchant sur les gonds.
— Elle s’ouvre de l’autre côté. Ce doit être tout débroussaillé, pour qu’elle puisse pivoter. Essaie.
Emily poussa. La porte ne bougea pas.
Le cœur de Charlotte se serra. Elle était fermée à clé.
Tirant une épingle de sa chevelure, Emily l’introduisit dans la serrure.
— Tu n’y arriveras pas.
Charlotte ne cachait pas sa déception.
Sans se préoccuper d’elle, Emily continua à tâtonner. Elle sortit l’épingle, la redressa, la replia à une extrémité de sorte à former une boucle et essaya de nouveau.
— Là, fit-elle avec satisfaction, appuyant doucement sur le battant qui pivota sans bruit.
Charlotte n’en croyait pas ses yeux.
— Où as-tu appris ça?
Emily eut un grand sourire.
— Ma gouvernante garde toujours les clés sur elle, même quand elle va se coucher, et j’ai horreur de devoir faire appel à elle pour accéder à ma propre armoire à linge. Je trouve cette astuce plutôt amusante, non? Allez, viens, on va voir ce qu’il y a de l’autre côté.
Elles franchirent la porte sur la pointe des pieds et la refermèrent derrière elles. Au premier coup d’œil, ce fut décevant : juste un grand pavillon planté au milieu de sentiers pavés séparés par de petits compartiments d’herbes aromatiques. Elles en firent le tour, mais ne trouvèrent rien d’autre.
Emily s’arrêta, dégoûtée.
— Pourquoi fermer la porte à clé, voyons? s’enquit-elle, irritée. Il n’y a rien ici.
Charlotte se pencha pour toucher une plante. Elle broya une feuille entre ses doigts : celle-ci exhala une odeur amère et poivrée.
— Je me demande si ce n’est pas une drogue, fitelle, songeuse.
— Sottises ! riposta Emily. L’opium provient du pavot qu’on cultive en Turquie, en Chine et je ne sais où encore.
— Il en existe d’autres.
Charlotte ne désarmait pas.
— Il a une drôle de forme, ce jardin, je veux dire la disposition des pierres. Cela a dû exiger un travail fou.
— Ce n’est qu’une étoile. Moi, je ne trouve pas ça très beau. C’est assez inégal.
— Une étoile !
— Oui, les autres branches sont là, et derrière le jardin d’hiver. Pourquoi?
— Combien y en a-t-il en tout?
Une idée commençait à germer dans l’esprit de Charlotte, le souvenir d’une affaire que Pitt avait traitée voilà plus d’un an, et d’une cicatrice qu’il avait mentionnée.
Emily compta.
— Cinq. Pourquoi?
— Cinq ! C’est donc un pentacle !
— Si tu veux, répliqua Emily, nullement impressionnée. Et alors?
— Emily...
Charlotte se tourna vers elle. Effrayant, le tableau prenait forme.
— Le pentacle est une figure qu’on utilise quand on pratique la magie noire. C’est peut-être ce qui se passe ici, au cours de leurs fameuses soirées !
Elle se rappelait maintenant
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