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Le Crime De Paragon Walk

Le Crime De Paragon Walk

Titel: Le Crime De Paragon Walk Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Perry
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n’était pas réellement sa faute. Tu l’as constaté
toi-même, la moitié des gens d’ici ont déjà décidé que Fanny était une fille
facile, qu’elle l’avait cherché, voire mérité…
    — Arrête !
    S’extirpant de son lit, Emily se planta rageusement devant
Charlotte.
    — Tu n’as pas le monopole de la vérité, tu sais ! Ta
suffisance me rend malade. Nous ne sommes pas tous des hypocrites à Paragon
Walk, juste parce que nous avons du temps et de l’argent, et que nous nous
habillons bien, pas plus que vous dans ta petite rue minable, parce que vous
travaillez toute la journée. Vous aussi avez vos mensonges et vos convenances !
    Charlotte était très pâle, et Emily fut immédiatement prise
de remords. Elle aurait voulu lui tendre les mains, la serrer dans ses bras, mais
elle n’osa pas. Elle lui jeta un regard apeuré. Charlotte était la seule
personne à qui elle pouvait parler, qui l’aimait inconditionnellement, avec qui
elle pouvait partager les craintes et les désirs cachés que toute femme nourrit
dans son cœur.
    — Charlotte ?
    Charlotte ne bougea pas.
    — Charlotte ? insista Emily. Je suis désolée.
    — Je sais, répondit Charlotte tout bas. Tu aimerais connaître
la vérité sur George, et ça te fait peur.
    Le temps cessa d’exister. Pendant quelques secondes immobiles,
Emily hésita. Puis elle posa la question fatidique.
    — Tu es au courant ? Thomas te l’a dit ?
    Charlotte ne savait pas mentir. Bien que plus âgée, elle n’avait
jamais réussi à duper Emily dont l’œil perçant, exercé, décelait la réticence, l’indécision
avant le mensonge.
    — Oui, fit Emily, répondant à sa propre question. Dis-le-moi.
    Charlotte fronça les sourcils.
    — C’est du passé maintenant.
    — Dis-le-moi, répéta Emily.
    — Ne serait-il pas mieux…
    Emily attendit. Elles savaient toutes deux que la vérité, quelle
qu’elle fût, valait mieux que l’épuisant va-et-vient entre la peur et l’espoir,
le laborieux effort pour se leurrer soi-même, les affres d’une imagination
débridée.
    — Est-ce Selena ? demanda-t-elle.
    — Oui.
    Finalement, ce n’était pas si terrible que ça. Peut-être s’en
doutait-elle déjà sans vouloir l’admettre. Était-ce donc ça dont George avait
si peur ? Que c’était bête ! Vraiment très bête. Elle allait y mettre
le holà, bien sûr. Elle s’arrangerait pour faire perdre ses airs sournois à
Selena, la dépouiller de sa complaisance. Elle ignorait encore comment, ou même
si elle ferait comprendre à George qu’elle était au courant. Elle joua avec l’idée
de le laisser mariner dans ses angoisses, d’attendre que la peur le ronge pour
qu’il n’oublie pas de sitôt combien cela pouvait faire mal. Et si elle ne lui
en parlait pas du tout ?
    Charlotte la regardait anxieusement, guettant sa réaction. Souriante,
Emily revint à l’instant présent.
    — Merci, dit-elle posément, presque gaiement. Maintenant,
je sais à quoi m’en tenir.
    — Emily…
    — Ne t’inquiète pas.
    Elle toucha Charlotte du bout des doigts.
    — Je ne vais pas me quereller avec lui. D’ailleurs, je
crois que je ne vais rien faire, du moins pour le moment.
     
    Pitt continuait ses investigations dans Paragon Walk. Forbes
avait recueilli des informations étonnantes sur Diggory Nash. Au fond, il n’y
avait pas vraiment de quoi être surpris, et Pitt s’en voulait de s’être laissé
influencer dans ses opinions par ses préjugés. Au vu du raffinement extérieur, du
confort, de l’argent, et parce que ces gens-là menaient tous la même vie, venaient
à Londres pour la saison, fréquentaient les mêmes clubs et les mêmes cercles, il
avait déduit qu’ils étaient tous pareils sous leurs habits uniformément
élégants et leurs manières uniformément policées.
    Diggory Nash était un joueur à la tête d’une fortune qu’il n’avait
pas méritée et qui courtisait, presque par habitude, toutes les femmes tant
soit peu avenantes et disponibles. Mais c’était aussi quelqu’un de généreux. Pitt
fut déconcerté et honteux de son propre jugement rapide quand Forbes lui apprit
que Diggory subventionnait un asile pour femmes sans domicile. Elles étaient
légion, les jeunes servantes enceintes qu’on mettait chaque année à la porte
des maisons respectables ; une fois à la rue, elles finissaient dans un
atelier crasseux, un hospice pour pauvres ou un bordel. Quelle surprise que ce
fût Diggory

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