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Le Crime De Paragon Walk

Le Crime De Paragon Walk

Titel: Le Crime De Paragon Walk Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Perry
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précipitamment
peut-être, si vous saviez quelque chose, vous nous l’auriez dit. Cela ne vous
empêche pas toutefois d’avoir une opinion, pas un soupçon à proprement parler, mais,
comme vous l’avez fait remarquer…
    Il l’observait de près pour juger jusqu’où il pouvait aller
entre le discours clair et la suggestion.
    — … il est difficile de ne pas y penser.
    — Vous voulez savoir si je suspecte l’un de mes voisins ?
    Son regard bleu était presque hypnotique. Il se sentait incapable
de s’y arracher.
    — Eh bien ?
    Longtemps, elle garda le silence. Ses mains remuaient doucement,
dénouant un nœud invisible.
    Il attendit.
    Finalement, elle leva les yeux.
    — Oui. Mais comprenez-moi bien, ce n’est qu’un
sentiment, un ensemble d’impressions.
    — Bien entendu.
    Il ne voulait pas l’interrompre. À défaut d’apprendre
quelque chose, il en saurait davantage sur elle.
    — J’ai peine à croire que quelqu’un de normalement
constitué, en pleine possession de ses facultés, puisse commettre un acte
pareil.
    Elle semblait peser chaque mot, comme si le devoir seul la
poussait à vaincre sa réticence.
    — Je connais tout le monde ici depuis des années. J’ai
tourné et retourné le problème dans ma tête, et je n’arrive pas à m’imaginer qu’un
tel tempérament soit passé inaperçu.
    II éprouva une brusque déception. Voilà qu’elle allait lui
servir quelque couplet invraisemblable sur les étrangers.
    Ses doigts rigides reposaient sur ses genoux, blancs sur le
fond vert de sa robe.
    — En effet, fit-il d’une voix atone.
    Elle se redressa. Le sang lui monta aux joues ; elle
inspira profondément et se reprit.
    — J’entends par là, Mr. Pitt, qu’on agit de la sorte
seulement sous l’empire d’un sentiment tout à fait anormal, ou alors en état d’ébriété.
Quelqu’un qui a trop bu commet parfois des actes qui ne lui viendraient même pas
à l’esprit en temps ordinaire. Et par la suite, il ne s’en souvient pas
toujours, paraît-il. Cela expliquerait aussi une apparence d’innocence, non ?
Si celui qui a tué Fanny n’en a gardé qu’un vague souvenir… ?
    Il repensa à George frappé d’amnésie quant à ses occupations
ce soir-là ; à Algernon Burnon, peu enclin à citer la personne qui lui
avait tenu compagnie ; à la partie de jeu anonyme de Diggory. Mais c’était
surtout Hallam Cayley qui s’enivrait dernièrement au point d’être incapable d’émerger
le matin. D’après Afton, il avait été en proie à la torpeur éthylique le matin
même où l’on avait découvert la disparition de Fulbert. La suggestion n’était
pas si bête. Cela expliquerait l’absence de mensonges, de toute tentative de
brouiller les pistes. Un assassin qui ne se rappelait même pas son propre crime !
Il devait y avoir un trou noir, terrifiant, dans son esprit ; il se posait
des questions ; la nuit, les cauchemars peuplaient son sommeil de bribes
de violence, d’images, de l’odeur et du bruit de l’innommable. Mais la boisson
l’aidait à oublier.
    — Merci, dit-il poliment.
    Elle reprit une grande inspiration.
    — Peut-on condamner quelqu’un pour ce qu’il a fait en
état d’ivresse ? s’enquit-elle lentement, avec un petit froncement de
sourcils.
    — Si Dieu le condamne, ça, je n’en sais rien, répondit
Pitt honnêtement. Mais la justice s’en chargera certainement. On n’a pas besoin
de s’enivrer.
    Sans broncher, elle poursuivit le cours de ses pensées.
    — Quelquefois, on boit pour noyer son chagrin.
    Chaque mot était pesé avec le plus grand soin.
    — Parce qu’on est malade, qu’on souffre ou qu’on a
perdu un être cher.
    Il songea immédiatement à la femme de Hallam Cayley. Etait-ce
là ce qu’elle cherchait à lui suggérer ? Il la regarda, mais son visage
était aussi lisse que du satin blanc. Il résolut de se jeter à l’eau.
    — Pensez-vous à quelqu’un en particulier, Mrs. Nash ?
    Elle détourna brièvement les yeux ; leur éclat bleu s’était
voilé.
    — Je préfère ne pas entrer dans les détails, Mr. Pitt. Je
ne saurais vous répondre. S’il vous plaît, n’essayez pas de m’arracher des
accusations.
    Elle le contempla à nouveau, le regard clair, d’une
franchise éblouissante.
    — Si j’apprends quelque chose, je vous tiendrai au
courant, c’est promis.
    Il se leva. Il savait qu’elle n’en dirait pas plus.
    — Merci, Mrs. Nash. Votre aide m’a été précieuse.

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