Le Dernier Caton
l’Assemblée des catholiques ordinaires ; au patriarche orthodoxe de Jérusalem, Diodore I er ; au patriarche orthodoxe arménien Torkom, à l’exarque gréco-melchite Georges El Murr… Une véritable pléiade des patriarches et évêques les plus importants de Terre sainte. À chaque nouveau titre, je me sentais de plus en plus déconcertée. Notre mission n’était-elle donc plus aussi secrète qu’avant ? Pourtant, le cardinal Sodano nous avait recommandé le silence sur nos faits et gestes…
Farag se dirigea vers Pierantonio et le salua courtoisement, tandis que Glauser-Röist demeurait à distance, ce qui ne passa pas inaperçu à mes yeux. Je n’avais plus aucun doute, une profonde animosité les opposait, pour une raison qui m’était inconnue. Je pus aussi vérifier, au cours des conversations qui suivirent, que bon nombre de dignitaires présents s’adressaient à lui avec une certaine crainte ou, parfois, un mépris marqué. Je me promis de résoudre ce mystère avant de quitter Jérusalem.
La réunion fut longue et ennuyeuse. Les patriarches et évêques insistèrent les uns après les autres sur leur grande inquiétude au sujet des vols de Ligna Crucis. Les églises chrétiennes les plus petites avaient été les premières à en souffrir, et pourtant elles ne possédaient souvent qu’un simple éclat ou un peu de sciure dans un reliquaire. Ce qui avait commencé sous la forme d’un simple accident sur un mont perdu de Grèce, me dis-je, surprise, était devenu une affaire internationale qui prenait de plus en plus d’importance, comme une boule de neige qui n’aurait cessé de croître pour menacer la chrétienté. Toutes les personnes présentes étaient très préoccupées par les conséquences que cela pouvait avoir sur l’opinion publique si le scandale éclatait dans les journaux. Mais je me demandais jusqu’à quel point le secret pouvait être gardé quand autant de personnes étaient au courant de l’affaire. En réalité, cette réunion, qui ne nous apporta rien, car finalement ni le capitaine, ni Farag, ni moi n’en tirâmes profit, n’avait pas d’autre but que de satisfaire la curiosité des patriarches, évêques et légats, soucieux de faire notre connaissance. Au mieux, nous savions que nous pouvions compter sur l’aide de toutes ces Églises si nous avions besoin de quelque chose. Je saisis l’occasion.
— Avec tout le respect qui vous est dû, dis-je en usant des formules de courtoisie qu’ils utilisaient, auriez-vous entendu parler d’un homme qui garde des clés, ici, à Jérusalem ?
Ils se regardèrent, déconcertés.
— Je regrette, me répondit monseigneur Sambi. Je crois que nous n’avons pas bien compris votre question.
— Nous devons trouver dans cette ville, m’interrompit Glauser-Röist d’un ton impatient, quelqu’un qui a des clés et qui, quand il ouvre je ne sais quoi, personne ne peut le fermer, et vice versa.
Ils se regardèrent de nouveau, abasourdis, ne voyant pas du tout de quoi nous voulions parler.
— Mais, Ottavia, me réprimanda mon frère avec un sourire, tu sais combien de clés importantes il y a dans cette ville ? Chaque église, mosquée, basilique ou synagogue possède son propre trousseau de clés. Historique, en plus. Ce que tu demandes n’a pas de sens ici. Je regrette, c’est ridicule !
— Essaie de prendre cette affaire plus au sérieux, Pierantonio ! m’exclamai-je en oubliant que je m’adressais au très honoré custode de Terre sainte, au milieu d’une assemblée œcuménique de prélats dont certains étaient les égaux du pape en dignité ; mais je ne voyais qu’une chose : mon frère aîné se moquait d’une question pour laquelle j’avais déjà risqué trois fois ma vie.
— Il est crucial pour nous de trouver celui qui a les clés, tu comprends ! Qu’il y en ait beaucoup ou pas, ce n’est pas le problème. La question, c’est qu’il y a un homme dans cette ville qui possède les clés que nous recherchons.
— Très bien, me répondit-il tandis que, pour la première fois de ma vie, il me considérait avec une expression de respect et de compréhension sur son visage de prince souverain. (La petite Ottavia serait-elle devenue plus importante que le custode ? Voilà une bonne nouvelle ! J’avais du pouvoir sur mon frère !)
— Eh bien, enfin… (Monseigneur Sambi ne savait comment en terminer avec cette dispute familiale, insolite au sein d’une réunion si
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