Le Dernier Caton
éminente.) Je crois que nous avons tous entendu ici ce que vous venez de nous dire, et nous allons demander que l’on commence à rechercher ce mystérieux gardien des clés.
Il y eut unanimité et la réunion se termina amicalement par un repas servi à la Délégation dans la luxueuse salle à manger de l’édifice. On nous apprit que le pape y avait pris récemment son petit déjeuner lors de son périple en Terre sainte. Je ne pus éviter un sourire ironique en pensant que cela faisait trois jours que nous ne nous étions pas douchés, et que nous devions sentir assez mauvais.
Une fois le repas fini, nous montâmes dans les chambres que l’on nous avait assignées. Deux religieuses hongroises avaient déjà défait ma valise et rangé mes affaires dans le placard, la salle de bains et sur la table de travail. Elles n’auraient pas dû se donner tant de peine car le lendemain, sans doute à l’aube, nous volerions vers Athènes, le corps couvert de bleus, de blessures et de scarifications. Je me précipitai alors vers la salle de bains et, après avoir doucement enlevé les deux pansements sur mon avant-bras, vis les marques, rouges et enflammées, celle de Rome un peu moins que celle de Ravenne, faite quelques heures seulement auparavant. Ces deux belles croix m’accompagneraient désormais toute ma vie. Toutes deux présentaient des lignes vertes profondément incrustées dans la peau, comme si on y avait injecté une décoction de plantes. Malgré mon appréhension, je terminai de me déshabiller, pris une douche qui me fit un bien fou et, une fois bien séchée, me soignai avec ce que je trouvai dans la petite armoire à pharmacie avant de bander mes bras. Heureusement, avec les manches longues on ne voyait rien.
L’après-midi, après quelques heures de repos, mon frère Pierantonio proposa de nous conduire dans la Vieille Ville pour une petite visite touristique. Le nonce manifesta une certaine crainte pour notre sécurité car, quelques jours auparavant, il y avait eu entre Palestiniens et Israéliens les affrontements les plus durs depuis la fin de l’Intifada. Ils avaient fait une douzaine de morts et plus de quatre cents blessés. Le gouvernement s’était vu obligé de remettre trois quartiers de Jérusalem, Abu Dis, Azaria et Sauajra, aux autorités palestiniennes, avec l’espoir de rouvrir une voie de négociations et de mettre fin aux émeutes dans les Territoires autonomes. La situation était donc tendue et l’on craignait de nouveaux attentats dans la ville. Le nonce nous demanda donc, en raison du haut poste qu’occupait Pierantonio, d’utiliser un véhicule discret. Il nous fournit un excellent guide, le père Murphy Clark, qui appartenait à l’École biblique de Jérusalem. Cet homme de grande taille, corpulent, à la barbe blanche soignée, était l’un des meilleurs spécialistes au monde en archéologie biblique. Nous garâmes la voiture aux vitres fumées non loin du Mur des Lamentations, et de là commençâmes notre voyage dans le passé.
Je n’avais pas assez d’yeux pour tout appréhender en une fois, l’immense beauté de ces rues pavées avec leurs magasins et leur étrange population habillée selon les trois cultures de la ville. Mais le plus émouvant fut de parcourir la Via Dolorosa, le chemin suivi par Jésus avant sa crucifixion. Comment expliquer l’émotion qui me saisit ? Je ne trouvais pas de mots pour la décrire. Pierantonio, qui lisait en moi comme à livre ouvert, s’attarda pour marcher à mes côtés en laissant les autres nous devancer. Il était évident que mon frère ne se rapprochait pas pour commémorer le chemin de croix. En réalité, il voulait obtenir de moi le maximum d’informations sur la mission que nous accomplissions.
— Mais enfin, Pierantonio, protestai-je. Tu sais déjà tout. Pourquoi me poses-tu toutes ces questions ?
— Parce que tu ne me racontes rien ! Il faut te tirer les vers du nez !
— Mais que veux-tu savoir de plus ? Il n’y a rien à dire.
— Raconte-moi les épreuves.
Je soupirai et regardai le ciel en appelant intérieurement à l’aide.
— Ce ne sont pas exactement des épreuves, Pierantonio. Nous parcourons une espèce de Purgatoire pour purifier nos âmes et nous rendre dignes de parvenir au Paradis terrestre des stavrophilakes. C’est notre seul objectif. Une fois les morceaux de la vraie Croix localisés, nous préviendrons la police qui prendra le relais.
— Mais… Et Dante,
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