Le Dernier Caton
Doria que la marée humaine poussait vers Farag, l’appel à la prière.
La ilah illa Allah wa Muhammad rasul Allah, récitait la voix amplifiée du muezzin : « Il n’y a pas d’autre Dieu qu’Allah, et Mahomet est son prophète. »
— Sortons d’ici, dit le capitaine en se servant de son corps comme d’un bouclier pour se frayer un passage.
Nous parvînmes à la cour découverte, le sahn, de justesse et avec beaucoup de mal, car, avant même que nous ayons pu récupérer nos chaussures, la mosquée s’était entièrement remplie.
— Demain sera un autre jour, dit Farag d’un ton animé, en regardant autour de lui avec un sourire.
— Allez, je vous emmène à l’hôtel, dit Doria. Vous pourrez vous reposer. Je vais demander qu’on apporte vos bagages de l’aéroport.
— Ils sont restés dans l’avion ? m’étonnai-je en regrettant aussitôt de m’être adressée à elle.
— Sur mon ordre, dit le capitaine. Je pensais que nous aurions résolu l’énigme aujourd’hui.
— Je crains que ce ne soit pas possible, Kaspar.
— Si vous voulez, reprit Doria en exhibant son plus beau sourire, ce soir, je peux vous emmener dans un des meilleurs restaurants de la ville. C’est un endroit très amusant où vous pourrez assister à un authentique spectacle de danse du ventre.
— Avant de partir nous ferions mieux d’examiner cette cour, dis-je, de mauvaise humeur.
Cette réunion était si étrange… Le seul moyen de communication entre nous quatre était Glauser-Röist, qui n’avait pas la moindre idée de ce qui agitait sa troupe.
— Mais c’est l’heure de la prière ! protesta Doria. Ils pourraient se fâcher. Revenons plutôt demain.
Le capitaine me regarda.
— Non, le professeur Salina a raison. Examinons cet endroit. Si nous le faisons discrètement, nous ne gênerons personne.
— Quelqu’un devrait surveiller le portier pendant ce temps, proposa Farag. Il ne nous quitte pas des yeux.
— Ce doit être le stavrophilake chargé de l’épreuve.
Le naturel stupide de Doria fit alors son retour :
— Vraiment ! s’écria-t-elle. Un stavrophilake !
— Doria, je t’en prie, la repris-je. Ce n’est pas un jeu. Arrête de le regarder !
Le portier, un vieillard à la barbe blanche, la tête couverte d’un petit bonnet blanc qui ressemblait à une coquille d’œuf, fronçait les sourcils tout en nous observant.
— Doria, allez lui parler, rendez-lui les voiles, détournez son attention, dit le capitaine.
Avec un sourire mauvais sur les lèvres, je remis mon foulard à Doria et restai avec mes compagnons. Dire que nous avions joué si souvent ensemble, petites. Mais heureusement nos vies avaient pris des chemins bien différents.
— Nous n’avons qu’à nous partager la tâche, proposa le capitaine après le départ de Doria. Que chacun examine un tiers de la cour. Vous, ajouta-t-il en s’adressant à moi, ne vous approchez surtout pas de la fontaine des ablutions, vous risqueriez de provoquer une émeute.
Je demeurai seule. Ils se dirigèrent vers la fontaine en forme de kiosque. J’allai à l’extrémité gauche, qui ne présentait aucun intérêt avec son sol de pierre, ses arbres et ses murs de séparation. Tout en me promenant d’un pas paresseux, j’observais à la dérobée Doria qui bavardait avec le gardien. Ce dernier la regardait comme si elle était idiote. Ce qu’elle était, ainsi que l’incarnation du Diable. Il semblait plus que prêt à la mettre dehors, et je me demandais quelle bêtise elle pouvait dire à ce pauvre homme qui paraissait si atterré.
Mais je n’eus pas le temps de l’apprendre car la main de Farag se posa sur mon bras en m’obligeant à me tourner vers lui. Avec un sourire enchanteur, il me fit signe de regarder en direction du capitaine.
— Nous l’avons trouvé, murmura-t-il. Il faut se dépêcher.
D’un pas tranquille, nous allâmes vers le sabial où nous attendait le Roc.
— Qu’avez-vous trouvé ? lui demandai-je sans pouvoir retenir un sourire.
— Un chrisme.
— Dans une fontaine d’ablutions ? C’est impossible.
Avant les cinq prières quotidiennes imposées par le Coran, les fidèles doivent réaliser un ensemble complexe d’ablutions qui consiste à se laver le visage, les oreilles, les cheveux, les mains, les bras jusqu’au coude, les chevilles et les pieds. Il existe à cet effet, à l’entrée de toutes les mosquées du monde, une fontaine par laquelle doivent
Weitere Kostenlose Bücher