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Le Dernier Caton

Le Dernier Caton

Titel: Le Dernier Caton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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Marc Antoine. Farag lui-même était un exemple vivant de ce qu’avait été Alexandrie il n’y avait pas si longtemps : descendant d’Anglais, de Juifs, de coptes et d’Italiens, il présentait un mélange de cultures et de traits qui lui conférait un charme unique et merveilleux. Du moins à mes yeux.
    — Nous allons avoir un comité d’accueil ? demandai-je au capitaine, qui avait passé une bonne partie de son temps au téléphone.
    — Bien sûr. Un chauffeur du patriarcat gréco-orthodoxe d’Alexandrie doit venir nous chercher. Nous devons retrouver plus tard le patriarche, Petros VII, Sa Béatitude Stephanos II Ghatta, et Sa Sainteté Shenouda III, chef de l’Église copte orthodoxe. Nous aurons aussi notre vieil ami Damianos, abbé de Sainte-Catherine.
    — Une vraie fête ! grognai-je. Vous savez quoi, capitaine ? Jamais je n’aurais imaginé qu’il existât une telle quantité de papes, de Saintetés et de Béatitudes. J’ai la tête pleine de saints pontifes !
    — Et encore, vous ne les connaissez pas tous ! se moqua Glauser-Röist. Aux yeux des orthodoxes, tous les apôtres sont égaux et disposent du même pouvoir pour gouverner leurs fidèles.
    — Je sais, mais cela me paraît difficile de les mettre à égalité avec le pape de Rome. En bonne catholique, j’ai appris qu’il n’existe qu’un seul successeur légitime de Pierre.
    — Cela fait longtemps que j’ai appris, moi, que tout est relatif, m’expliqua-t-il dans l’un de ses rares moments de confidences. Tout est relatif, temporel et mobile. C’est peut-être pour cette raison que je recherche tant la stabilité.
    — Vous ? dis-je, surprise.
    — Cela vous étonne ? Vous ne me croyez pas doté de qualités humaines ? Vous savez, je ne suis pas aussi mauvais que le prétend votre frère Pierantonio.
    Je me tus, comme surprise en flagrant délit.
    — Il y a toujours une explication à ce que nous faisons et à ce que nous sommes. Prenez votre cas…
    — Vous êtes au courant, pour ma famille ? murmurai-je en baissant la tête. (Je ne voulais pas parler de ça et surtout pas avec lui.)
    — Naturellement, répondit-il avec l’un de ses rares éclats de rire. Je le savais déjà quand j’ai fait votre connaissance lors de la réunion chez monseigneur Tournier. Comme je savais déjà que vous êtes la sœur du custode de Terre sainte. Cela fait partie de mon travail, je vous le rappelle. Je sais tout et je surveille tout. Quelqu’un doit faire le sale boulot, et c’est tombé sur moi. Croyez-moi, je n’aime pas ça, pas du tout même, mais on s’habitue à tout. Vous n’êtes pas la seule à vous trouver à un tournant de votre vie. Un jour, moi aussi, j’abandonnerai tout pour aller vivre tranquille dans une petite maison de bois, près du lac Léman et me consacrer à la seule chose que j’aime vraiment : cultiver la terre, essayer de nouvelles semences et de nouveaux systèmes de production. Vous saviez que j’avais fait des études d’ingénieur agronome à Zurich avant d’entrer dans l’armée et de devenir garde suisse ? C’était ma véritable vocation, mais ma famille avait d’autres projets pour moi, et ce n’est pas toujours facile d’échapper à ce que l’on vous a inculqué depuis l’enfance.
    Je gardai le silence quelques instants en regardant par le hublot.
    — Et dire que l’on croit vivre sa vie quand ce sont d’autres qui décident pour vous, dis-je.
    — C’est certain, répondit-il en lissant son pantalon. Mais il nous reste toujours la possibilité de changer. Vous êtes déjà en train de le faire, et je le ferai aussi, je vous le jure. Il n’est jamais trop tard. Je vais vous avouer un secret, professeur Salina, et j’espère que vous saurez le garder : cette mission est la dernière que j’accomplis pour le Vatican.
    Je le regardai et lui souris. Nous venions de sceller un pacte d’amitié.
    Nous traversâmes les rues d’Alexandrie dans la voiture du patriarcat, une limousine noire de marque italienne, avec un Farag, assis à l’avant, qui contemplait, muet, sa ville natale. J’étais un peu triste, ce retour semblait l’éloigner de moi, et je commençai à détester l’Égypte.
    Nous passions par de grandes avenues modernes, à la circulation intense, qui bordaient des plages interminables de sable doré. Ce que je voyais correspondait peu à ce que j’avais imaginé. Où étaient les palais et les temples ? J’aurais aussi bien pu me

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