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Le Dernier Caton

Le Dernier Caton

Titel: Le Dernier Caton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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femmes qu’il y a dans cette ville !
    Le retour l’avait transformé. Il était différent de l’homme timide que je connaissais.
    — Voyons, Farag, répétai-je avec patience.
    Je savais qu’il avait devant lui de terribles semaines.
    La rue où se trouvait la maison de la famille Boswell était un passage constitué d’immeubles anciens aux élégantes façades de style anglais. Obscure et fraîche, elle était interdite à la circulation, ce qui n’empêchait pas charrettes et vélos de passer par là librement. En dépit de cet air européen, les portes et les fenêtres des maisons arboraient d’harmonieuses arabesques avec des décorations de feuilles et de fleurs.
    Farag, qui paraissait très ému, sortit les clés de sa poche et ouvrit la grille. Un parfum de menthe se fit aussitôt sentir. Le porche était ample et sombre, conçu pour protéger de la chaleur. Il n’y avait pas d’ascenseur.
    — Ne fais pas de bruit, murmura Farag. Je veux faire la surprise à mon père.
    Nous montâmes en silence un petit escalier et nous arrêtâmes devant une grande porte de bois avec des panneaux de cristal. La sonnerie était sur le montant à hauteur de nos têtes.
    — J’ai la clé, me dit-il en appuyant sur le bouton, mais je veux voir sa tête.
    On entendit la sonnerie à des kilomètres à la ronde et, tandis que son écho résonnait encore dans mes oreilles, des aboiements furieux retentirent à l’intérieur.
    — C’est Tara, murmura Farag avec un grand sourire, le chien de ma mère. Elle adorait le film Autant en emporte le vent, ajouta-t-il comme pour s’excuser.
    En effet, je trouvais ce nom ridicule pour un chien. Mais j’en avais entendu de pires. Ce que les gens peuvent être niais pour ce genre de choses !
    La porte s’ouvrit lentement. Un homme grand et mince, d’une soixantaine d’années, les cheveux blancs et les yeux bleu foncé, apparut sur le seuil. Il était aussi beau que son fils et sans doute Farag lui ressemblerait-il dans quelques années, mêmes traits, même peau sombre, même expression du visage. Je comprenais que la mère de Farag ait tout abandonné pour cet homme et ressentis un étrange sentiment de complicité avec elle.
    Le père et le fils s’embrassèrent longuement. La chienne, un mélange malheureux de yorkshire et de scottish-terrier, aboyait désespérément en sautant autour de nous comme un lapin. Boutros Boswell ne cessait d’embrasser son fils, comme si tout ce temps passé loin de lui avait été une torture. Il murmurait aussi en arabe des mots de joie et je crus même voir des larmes dans ses yeux. Quand ils se séparèrent enfin, tous deux se tournèrent vers moi :
    — Papa, je te présente le professeur Ottavia Salina.
    — Farag m’a beaucoup parlé de vous ces derniers mois, me dit-il dans un italien parfait en me serrant la main. Entrez, je vous prie.
    Il y avait des livres partout, empilés même sur le meuble de l’entrée. De vieilles photos de famille décoraient le couloir. Les lieux présentaient un mélange bigarré d’objets et de meubles anglais, viennois, italiens, arabes et français. Un vase de Lalique, un plateau d’argent, un trumeau anglais du début du siècle, une paire de verres arabes, des chaises de bois courbées en volutes autour d’un ancien guéridon sur lequel trônait un échiquier avec des figurines de marbre… Mais ce qui attira le plus mon attention furent les tableaux suspendus aux murs du salon. En voyant mon intérêt, Boutros Boswell s’approcha de moi et me fournit, non sans une certaine fierté, l’identité de tous ces personnages :
    — Voici mon grand-père, Kenneth Boswell, le découvreur d’Oxyrhynchos. Vous pouvez aussi le voir là, avec ses collègues Bernard Grenfell et Arthur Hunt, en 1895, lors des premières excavations. Et celle-là…, ajouta-t-il en désignant le tableau suivant où une femme très belle, vêtue d’une robe de cocktail et de très longs gants noirs, nous observait, c’était sa femme, Esther Hopasha, ma grand-mère, une des femmes les plus belles d’Alexandrie.
    Ariel Boswell, leur fils, et sa femme, Mirima, une copte à la peau sombre et aux cheveux teints au henné, veillaient au bout du salon, mais la place principale avait été réservée au portrait d’une femme avec des yeux charmants et plein d’étincelles qui exprimaient une véritable joie de vivre.
    — Voici ma femme, la mère de Farag, Rita Luchese. (Son visage s’assombrit.) Elle est

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