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Le Dernier Caton

Le Dernier Caton

Titel: Le Dernier Caton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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nature, faire des expériences, tirer leurs propres conclusions et les vérifier ? Ce serait comme de demander à un aveugle de dessiner des cartes. Les stavrophilakes qui sont arrivés ici il y a sept siècles, ont dû affronter des épreuves très dures qui les ont conduits à développer des techniques très utiles pour améliorer leurs conditions de vie et de survie.
    — Les premiers habitants ont découvert que les poissons avaient perdu la vue et les crustacés leurs couleurs parce qu’ils n’en avaient pas besoin dans les eaux obscures du Paradeisos , indiqua Khutenptah. De la même façon, certains oiseaux avaient développé leur propre système de vision. Ils décidèrent alors d’étudier la faune de cet endroit, et parvinrent à d’intéressantes conclusions qu’ils adaptèrent aux êtres humains par des exercices très simples découverts peu à peu. Voilà ce que commencent à apprendre les enfants à l’école, et aussi ceux qui, comme vous, parviennent jusque ici… Si vous le désirez, bien sûr.
    — Il est possible d’aiguiser la vue et l’ouïe par de simples exercices ? m’étonnai-je.
    — Naturellement. Ce n’est pas un apprentissage rapide, mais il est très efficace. Comment croyez-vous que Léonard de Vinci a pu étudier et décrire dans le moindre détail le vol des oiseaux pour appliquer ensuite ces connaissances au dessin de ses machines volantes ? Il avait une vue comparable à la nôtre, grâce à un apprentissage qu’il mit en œuvre.
    Et donc, tandis qu’à l’extérieur nous avions fabriqué des machines qui suppléaient nos carences sensorielles, microscopes, téléscopes, amplificateurs de son, haut-parleurs, ordinateurs… ici, au Paradeisos , ils avaient travaillé des siècles durant à perfectionner leurs facultés, en les affinant et les développant à l’imitation de la nature. Ce résultat, comme les épreuves du Purgatoire pour nous, leur avait apporté une nouvelle manière d’appréhender la vie, le monde, la beauté et tout ce qui les entourait. Nous étions riches en technologie ; ils étaient riches en esprit. Ainsi fut éclairci le mystère des vols de reliques de Ligna Crucis, des vols menés à la perfection, sans traces, sans violence. Quel système de surveillance pourrait empêcher un stavrophilake, avec ses capacités sensorielles ultradéveloppées, de voler ce qu’il veut, même dans l’endroit le plus protégé du monde ?
    En traversant les rues, les places et les jardins où les gens s’amusaient à jongler – cela faisait sans doute partie de leur entraînement et dans ce cas servait à favoriser l’ambidextrisme –, nous arrivâmes à la rive du Kolos. Le fleuve devait avoir soixante mètres de largeur au moins. Ses bords, de roche irrégulière, avaient été renforcés par des garde-fous ornés de fleurs et de palmiers. Je contemplai les bateaux qui naviguaient sur ses eaux noires et j’eus l’impression, en touchant le bord, que mes doigts glissaient comme sur une tache d’huile. C’était dû à une incroyable patine, et je me souvins de cet autel de pierre glissant, dans le tunnel étroit des catacombes de Sainte-Lucie, comme s’il avait été graissé.
    Nous marchâmes le long de la belle promenade accolée à la rive en contemplant les baigneurs. Apparemment, ces eaux avaient une température constante de 24 à 25 degrés. Certains nageurs réussissaient à dépasser de nombreuses pirogues qui glissaient, mues par la force de deux ou trois rameurs. Mais il y avait tant de choses à apprendre, tant de choses intéressantes dans ce lieu, que j’étais certaine que ni Farag ni le capitaine ni moi ne serions capables de dénoncer ses habitants. Les stavrophilakes avaient raison, nous ne pourrions jamais leur faire de mal. Comment permettre que débarquent des hordes de policiers en uniforme pour mettre fin à une telle culture ? Sans compter le fait qu’ensuite les différentes Églises se battraient pour avoir la propriété de ce qui avait été, et de ce qui resterait, la confrérie. À moins qu’elles ne convertissent ce lieu en un centre de curiosité religieuse ou de pèlerinage. Les stavrophilakes et leur monde disparaîtraient pour toujours après mille six cents ans d’histoire et deviendraient un foyer d’attraction pour les journalistes, anthropologues et historiens… Nous ne les dénoncerions pas.
    Notre promenade continua paisiblement. Stavros comptait de nombreux théâtres, salles de concert,

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