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Le Dernier Caton

Le Dernier Caton

Titel: Le Dernier Caton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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il a décrit tout le processus des épreuves et a indiqué le chemin pour que ses lecteurs puissent découvrir ce lieu, fit remarquer Farag.
    — Naturellement, répliqua Mirsgana avec un grand sourire. Quand nous nous sommes réfugiés dans le Paradeisos en 1220, nous étions de moins en moins nombreux. Les uniques candidats venaient d’associations comme la Fede Santa, la Massenie du Saint Graal, les Cathares, les Minnesanger, les Fidei d’Amore et les ordres militaires comme les Templiers, les Hospitaliers de Saint-Jean ou les chevaliers Teutoniques. Le problème de la protection de la Croix commença à être réellement inquiétant.
    — C’est pour cette raison, continua Gete, que Dante fut chargé d’écrire La Comédie . Vous comprenez ?
    — C’était une manière d’inviter les lecteurs capables de voir plus loin que ce qui est évident, qui refusent le traditionalisme et préfèrent l’inconnu, et de les faire venir jusqu’à nous.
    — Pourquoi avait-il si peur de quitter Ravenne après la publication du « Purgatoire » ? Et toutes ces années dont on ne sait rien ? demanda Farag.
    — C’était une peur politique, répondit Mirsgana. N’oublie pas qu’il participa activement aux guerres entre les guelfes et les gibelins, qu’il fut mandataire de Florence pour le parti des guelfes blancs et s’opposa sans cesse à la politique militaire de Boniface VIII, dont il fut le grand ennemi et qu’il accusait de corruption. Vraiment, sa vie a été en danger de nombreuses fois.
    — Tu veux dire que l’Église catholique l’a fait tuer le jour même de la Sainte Croix ?
    — En réalité, l’Église ne l’a pas tué et nous ne savons pas s’il est mort ce jour-là exactement. C’était entre le 13 et le 14 décembre, et nous aimerions que ce soit le 14 car ce serait une coïncidence magnifique, presque miraculeuse, mais il n’y a aucune certitude. Quant à cette histoire d’assassinat, vous vous trompez. Son ami Guido Novello l’avait envoyé comme ambassadeur à Venise. À son retour, en traversant les lagunes de la côte Adriatique, il fut atteint de paludisme. Nous n’avons rien à voir avec sa mort.
    — C’est pourtant suspect, affirma Farag.
    Un silence écrasant se fit de nouveau.
    — Savez-vous ce qu’est la beauté ? nous demanda soudain Shakeb, jusque-là muet et attentif.
    Farag et moi le regardâmes sans comprendre. Il avait un visage rond et de grands yeux noirs très expressifs ; à ses doigts, plusieurs bagues lançaient des étincelles.
    — Est-ce que vous voyez comme la flamme de la bougie la plus courte du flambeau d’or qui se trouve au-dessus de Caton tremble ?
    Impossible, c’était juste un point lumineux au loin.
    — Vous pouvez sentir l’odeur de la marmelade de choux qui arrive des cuisines ? continua-t-il. Vous notez l’intense arôme piquant de la marjolaine qu’on y a mise, et l’odeur acide des feuilles de rhubarbe qui la couvrent dans les jattes ?
    Nous étions réellement déconcertés. De quoi parlait-il ? Qui aurait pu être capable de sentir une chose pareille ? Sans bouger la tête ni baisser les yeux, j’essayai en vain de deviner les ingrédients qui composaient le plat exquis que j’avais sous le nez, mais je pus seulement constater que leurs saveurs étaient très concentrées, bien plus intenses et naturelles que d’ordinaire.
    — Je ne vois pas où vous voulez en venir, dit Farag à Shakeb.
    — Tu pourrais me dire, toi, didaskalos, combien d’instruments interprètent la mélodie qui accompagne notre repas ?
    Mélodie ? Quelle mélodie ? pensai-je. Et, à ce moment, je m’aperçus qu’en effet des musiciens jouaient en fond sonore depuis que nous nous étions assis à table. Je ne les avais pas entendus par manque d’attention. Mais il m’eût été impossible de distinguer les instruments musicaux qui exécutaient ces morceaux.
    — Ou comment sonne cette goutte de sueur, continua-t-il implacablement, qui coule en ce moment même sur le dos d’Ottavia ?
    Je sursautai. Que disait ce fou ? Mais je me tus car je sentis alors une minuscule goutte de transpiration qui se précipitait le long de ma colonne vertébrale entre ma peau et le tissu de l’ himation.
    — Qu’est-ce que cela veut dire ! m’exclamai-je, déconcertée.
    — Et toi, Ottavia, dis-moi, sais-tu à quel rythme bat ton cœur ? Non ? Alors écoute…
    Il commença à tambouriner sur la table avec deux doigts, en faisant

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