Le Dernier Caton
sûr.
— Rappelle-moi bientôt, je suis toujours si contente de t’entendre. D’ailleurs, c’est bien dimanche prochain, le renouvellement des vœux ?
Ma mère n’oubliait jamais les dates importantes de la vie de ses enfants.
— Oui.
— Que tu sois très heureuse. Nous célébrerons pour toi une messe à la maison. Je t’embrasse, Ottavia.
— Moi aussi, maman. Au revoir.
Ce soir-là, je m’endormis avec un sourire heureux.
À huit heures du matin pile, comme je me l’étais promis la veille, j’étais assise à mon bureau, les lunettes aux yeux et le crayon à la main, prête à accomplir ma mission : lire La Divine Comédie sans plus tarder. J’ouvris le livre à la page 270, au début du « Purgatoire ». Avec un soupir et en m’armant de courage, je tournai la page et commençai à lire :
Per correr miglior acque alza le vele
ornai la navicella del mio ingegno
che lascia dietro a sé mar si crudele ;
e canterò di quel secondo regno
dove l’umano spirito si purga
e di salire al ciel diventa degno 12 .
Ainsi commencent les premiers vers de Dante. Le voyage dans le deuxième royaume débute, comme l’indiquait une note en bas de page, le 10 avril 1300, un dimanche de Pâques, vers sept heures du matin. Dans le premier chant, Virgile et Dante, qui viennent de quitter l’Enfer pour l’antichambre du Purgatoire, parcourent une sorte de plaine solitaire où ils trouvent immédiatement le gardien des lieux : Caton d’Utique, qui leur reproche aigrement leur présence. Néanmoins, comme nous l’avait dit le capitaine, une fois que Virgile lui offre toutes sortes d’explications et lui dit que Dante doit être instruit dans les royaumes d’outre-tombe, Caton leur offre ses conseils pour le dur chemin qui les attend :
Va donc, et entoure cet homme
d’un jonc très lisse, et lave son visage,
pour effacer toutes ses taches :
il ne conviendrait pas, l’œil voilé
par quelque brume, d’aller devant le haut
ministre, qui est des gens de paradis.
Cette petite île, tout autour, tout au bord,
là-bas où les vagues la frappent,
porte des joncs sur sa vase molle.
Virgile et Dante se dirigent donc vers la mer. Le grand poète de Mantoue passe les paumes de ses mains sur l’herbe couverte de rosée pour laver le visage du Florentin, sale après le voyage dans l’Enfer. Après être arrivés sur une plage déserte devant laquelle se trouve la petite île, il lui ceint un jonc autour de la taille, comme Caton le lui a recommandé.
Dans les sept chants suivants, depuis l’aube de ce jour-là jusqu’à la nuit, Virgile et Dante parcourent l’Antipurgatoire et conversent avec d’anciens amis et connaissances qu’ils croisent. Dans le chant III, ils arrivent enfin au pied de la montagne du Purgatoire, où se trouvent les sept cercles ou terrasses où les âmes expient leurs péchés avant de pouvoir monter au Ciel. Dante remarque alors que les murs sont si escarpés qu’ils sont difficiles à escalader. À cet instant, une foule confuse d’âmes avance lentement vers eux. Ce sont les excommuniés, qui se repentent de leurs péchés avant de mourir, condamnés à tourner indéfiniment autour de la montagne. Dans le chant IV, nos poètes découvrent un sentier étroit qu’ils empruntent, et ils doivent se servir des pieds et des mains pour pouvoir continuer. Ils finissent par atteindre une esplanade. Là, en arrivant, après avoir repris son souffle, Dante se plaint de la terrible fatigue qu’il ressent. Alors une voix mystérieuse derrière un rocher les appelle et, tandis qu’ils s’en approchent, ils découvrent un deuxième groupe d’âmes, celui des négligents qui ont tardé à se repentir. Ils poursuivent leur chemin et, au chant V, croisent ceux qui sont décédés de mort violente et se sont rétractés de leurs péchés au dernier moment. Le chant VI est marqué par une rencontre très émouvante : Dante et Virgile trouvent l’âme du fameux troubadour Sordello da Gioto qui les accompagnera, au chant suivant, jusqu’à la vallée des princes irresponsables et leur expliquera que, dès que la lumière de l’après-midi disparaît, ils doivent s’arrêter de marcher et chercher refuge, car : « On ne peut monter de nuit. »
Après quelques conversations avec les princes de la vallée, commence le chant IX, dans lequel, fidèle à son chiffre favori, le neuf, Dante situe enfin la véritable entrée du Purgatoire. Naturellement,
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