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Le Dernier Caton

Le Dernier Caton

Titel: Le Dernier Caton Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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craignent !
    J’étais transformée en une statue de sel, incapable de réagir.
    — Alors, tu ne dis plus rien maintenant ? insista mon frère. Tu n’as pas d’explication à me donner ?
    — Non.
    — Notre conversation est finie dans ce cas, conclut-il en s’éloignant pour rejoindre les invités qui se pressaient autour de la table du jardin. Fais attention, Ottavia, cet homme n’est pas ce qu’il prétend être.
    Quand je pus enfin sortir de ma stupeur, je vis au loin les silhouettes de ma mère et de Farag, tous deux engagés dans une conversation animée. D’un pas chancelant, je me dirigeai vers eux mais le capitaine s’interposa sur mon chemin.
    — Professeur Salina, il nous faut partir au plus vite. Il se fait tard, et bientôt il n’y aura plus assez de lumière.
    — Vous connaissez mon frère, capitaine ?
    — Votre frère ? s’étonna-t-il.
    — Arrêtez de faire l’idiot ! Je sais que vous connaissez Pierantonio, alors cessez de me mentir.
    Il examina les alentours d’un air indifférent :
    — J’en déduis que le père Salina ne vous a pas fourni cette information lui-même. Ce n’est pas à moi de le faire. (Il me toisa de sa hauteur.) On peut y aller maintenant ?
    J’acquiesçai et me passai les mains sur le visage dans un geste de consternation.
    Je fis mes adieux à ma famille, et montai dans le véhicule que le capitaine et Farag avaient loué à l’aéroport, une Volvo S40 de couleur argentée aux vitres teintées. Nous traversâmes la ville pour prendre l’A121 jusqu’à Enna, au cœur de l’île, et, de là, l’A19 vers Catane. Glauser-Röist, qui aimait beaucoup conduire, alluma la radio et laissa la musique jusqu’à ce que nous quittions Palerme. Une fois sur l’autoroute, il baissa le son et Farag, qui voyageait à l’arrière, se pencha vers moi en appuyant ses bras sur nos accoudoirs.
    — En réalité, Ottavia, nous ne savons pas vraiment pourquoi nous sommes ici, commença-t-il à m’expliquer. Nous sommes venus sur une inspiration, mais je suis sûr que nous allons nous ridiculiser.
    — Ne l’écoutez pas, dit le capitaine. Le professeur a trouvé l’entrée du Purgatoire.
    — C’est bon, dis-je en soupirant. Expliquez-moi au moins pourquoi nous allons à Syracuse ?
    — À cause de sainte Lucie ! s’exclama Farag.
    Je me tournai vers lui, ennuyée.
    — Sainte Lucie ?
    J’étais tout près de lui. Je me sentis rougir soudain. Une terrible honte me suffoqua. Je fis un effort surhumain pour regarder de nouveau la route devant moi sans que l’on note mon trouble. Farag avait dû s’en rendre compte, me dis-je, épouvantée. La situation était gênante et son silence commençait à devenir insupportable. Pourquoi se taisait-il et ne reprenait-il pas son histoire ?
    — Alors ? dis-je précipitamment.
    — Parce que…, commença Farag en s’interrompant. Parce que…
    J’étais sûr que ses mains tremblaient, comme toujours en pareille occasion.
    — Je vais vous expliquer, intervint alors Glauser-Röist. Qui conduit Dante à la porte du Purgatoire ?
    — Sainte Lucie, c’est vrai, reconnus-je. Mais quel rapport cela a-t-il avec la Sicile ? (Je fis un effort de mémoire et repris :) Ah oui, bien sûr, c’est la patronne de Syracuse, mais…
    — Syracuse se trouve face à la mer, dit Farag, qui avait apparemment récupéré. Après avoir déposé Dante à terre, Lucie indique du regard à Virgile le chemin à suivre pour arriver à la porte à la double serrure.
    — Oui, mais…
    — Vous saviez qu’elle est la patronne de la vue ?
    — Bien sûr !
    — Toutes les images la représentent les yeux baissés sur un petit plat.
    — Elle les a elle-même arrachés pendant son martyre, précisai-je. Son fiancé, un païen qui la dénonça comme chrétienne, adorait ses yeux, aussi les a-t-elle arrachés pour qu’on les lui apporte.
    — Que sainte Lucie nous garde la vue », récita Glauser-Röist.
    — En effet, c’est un dicton populaire.
    — Pourtant, reprit Farag, la patronne de Syracuse apparaît toujours les yeux bien ouverts, et apporte une autre paire sur un petit plateau.
    — On ne pouvait pas la peindre les orbites vides et sanglantes !
    — Et pourquoi non ? L’iconographie chrétienne est coutumière de ce genre de représentations.
    — Oui, quand il s’agit d’autres thèmes, protestai-je. Je ne vois toujours pas où vous voulez en venir.
    — C’est très simple. Selon tous les

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