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Le Dernier Maquisard

Titel: Le Dernier Maquisard Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Pecunia
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organisateur de la Résistance dans le
département et un bon chef de maquis. Et, s’il y en a un qui n’a
rien à se reprocher, c’est bien toi. Tu sais…
    Je ne sais si c’était à cause de tous ces putains de souvenirs
qui s’étaient télescopés en moi en si peu de temps, ou à cause de
ce maudit vin de Loire, mais j’avais envie de parler, de me livrer
à Georges, de lui dire la vérité sur mon arrivée dans son
maquis.
    Il me coupa.
    – Qu’est-ce que tu veux dire ?
    – Comment ? fis-je, déconcerté.
    Il avait rivé son regard dans le mien. Inquisiteur.
    – Toi, par exemple, tu aurais des choses à te
reprocher ?
    Il ne blaguait pas. Il redevenait le « capitaine
Marceau ».
    Je me surpris à sourire.
    – Peut-être, fis-je.
    – Quand tu étais avec Francis ?
    – À la fin, dis-je. Avant de venir ici et en venant ici.
    Je me sentais curieusement comme libéré d’un grand poids.
    Il me considéra encore un moment les yeux dans les yeux. Puis
baissa la tête. Sûrement pour ne pas me gêner.
    – Je sais, dit-il.
    – Ah !
    – Oh ! je ne me méfiais pas de toi. Mais j’ai toujours été
intrigué par la fin du maquis de Francis Ricol, de ton premier
maquis, et plus tard je me suis mis en rapport avec les camarades
qui ont étudié les archives allemandes concernant les maquis de
Seine-et-Oise.
    Je le regardai avec étonnement.
    – Vous avez été vendus. Par un des vôtres, bien sûr. Comme
toujours, car on ne peut être trahi que par les siens.
    Georges sembla interroger sa mémoire.
    – Le nom du type, je ne m’en souviens pas, dit-il en secouant la
tête. Je me rappelle qu’il est mort en Indo et que ça n’a plus
d’importance.
    – Daniel Chevalier, il s’appelait.
    – Oui, c’est peut-être ça.
    – C’est ça.
    Georges releva son regard vers moi. Il sembla hésiter.
    – Dans les archives de l’Abwehr, on a retrouvé trace de ta
détention…
    – Oui, le coupai-je.
    – Ils ont essayé de te retourner ?
    – Si tu veux. Et je n’en suis pas fier.
    J’en avais la gorge nouée.
    – Ils ont essayé, normal, mais ils n’ont pas réussi. C’est
l’essentiel. Et tu sais, Gilles, je t’ai toujours considéré comme
un de nos meilleurs éléments. Je tenais à te le dire…
    – Mais…
    – Tu as été un bon maquisard, Gilles.
    J’étais ému. Profondément.
    – Quand je t’ai demandé d’être notre porte-drapeau et que je
t’ai dit : « Tu leur dois au moins ça », ce n’est
pas aux gars de notre maquis que je pensais, mais à ceux de Francis
Ricol, tes premiers camarades. Et j’ai toujours su que ce n’est pas
toi qui nous as vendus…
    – Je t’en prie, Georges, ne recommence pas avec ça, je lui ai
dit le plus sérieusement du monde.
    – Si. Car je sais qui c’est à présent.
    Georges ferma les yeux. Son visage n’était plus qu’un masque de
douleur.
    – Georges, ça va ? m’inquiétai-je sincèrement.
    Il rouvrit les yeux lentement.
    – Ce n’est rien. Juste un petit malaise.
    – T’es sûr ?
    – Oui, j’ai trop bouffé et trop bu depuis hier. J’ai besoin de
faire ma sieste.
     
     
     
     
    11
     
     
     
     
     
    Quand nous sommes sortis du restaurant, le fils de Louis faisait
réellement la gueule car nous avions refusé sa « surprise du
chef aux trois chocolats », spécialement concoctée en notre
honneur.
    – À ce train-là, vous êtes proches de l’hospice, qu’il avait
marmonné dans sa barbe.
    Georges avait tellement hâte de rentrer qu’il n’avait pas relevé
et que j’ai dû me contenter de boire mon café à la sauvette sur le
zinc tandis qu’il était allé pisser.
    En descendant la rue principale – l’avenue de la Libération –,
je me suis rendu compte que nous devenions réellement des
vieux.
    Le soleil tapait dur et je ne supportais plus de boire autant ni
de manger aussi riche. Quant à Georges, il avait le pas lourd et
incertain.
    – On aurait dû venir avec ta bagnole, qu’il a dit en me prenant
le bras.
    Bras dessus bras dessous, nous avons parcouru les cinq cents
mètres nous séparant du pont ancien, notre fameux pont.
    Je n’ai pu m’empêcher de lever les yeux vers les arbres où
avaient été pendus les corps de nos camarades.
    – Ce sont les mêmes arbres ? je lui ai demandé.
    – Ouais, il a marmonné, les mêmes.
    Je revis soudainement les neuf corps ensanglantés pendus comme
lors du jour de notre retour, le 17 août 1944.
    Curieusement, je n’en avais eu qu’une vision

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