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Le dernier royaume

Le dernier royaume

Titel: Le dernier royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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vers tribord. Il écarquilla ses yeux louches en essayant de
pousser le gouvernail contre les vagues.
    — Il faut de la force, dis-je en reprenant ma place.
    — Tu es heureux, n’est-ce pas ? s’enquit-il d’un
ton accusateur.
    — Je le suis, oui.
    — Tu n’étais point destiné à l’être.
    — Non ?
    — Alfred pensait que cette expérience te rendrait
humble.
    Je fixai le roi qui était à la proue avec Leofric, et je me
souvins qu’il m’avait offert le casque et l’armure. Cela, probablement, pour
que je lui accorde un an de ma vie durant lequel il espérait que Leofric
materait l’arrogance et la grossièreté de ma jeunesse.
    — Je suis un seigneur de Northumbrie.
Qu’imaginait-il ? Qu’au bout d’un an, je ne serais qu’un pauvre chrétien
prêt à en passer par sa volonté ?
    — Est-ce donc si mal ?
    — Ça l’est. Alfred a besoin d’hommes aguerris pour
combattre les Danes, et non d’hommes prêts à lécher ses chausses.
    Beocca soupira puis il se signa, car le pauvre père
Willibald offrait le contenu de son estomac aux mouettes.
    — Il est temps que tu te maries, Uhtred, dit gravement
Beocca.
    — Me marier ? m’étonnai-je. Pourquoi dites-vous
cela ?
    — Tu es en âge.
    — Et vous donc ! rétorquai-je. Et vous ne l’êtes
point. Pourquoi le devrais-je ?
    — Je vis dans l’espérance, dit Beocca. (Le pauvre. Il
louchait, avait une main infirme et le visage d’une fouine malade : cela
n’en faisait point le favori des femmes.) Mais il y a une jeune damoiselle au
Defnascir que tu devrais connaître, s’enthousiasma-t-il. Une jeune damoiselle
fort bien née ! C’est une créature charmante et… (Il se tut, ne lui
trouvant manifestement pas d’autres qualités, et qu’il était incapable d’en
inventer.) Son père était bailli, paix à son âme. Une charmante jouvencelle.
Elle se prénomme Mildrith, conclut-il avec un sourire plein d’espoir.
    — Une fille de bailli, répétai-je sans m’émouvoir. Le
bailli du roi ? Le bailli du comté ?
    — Son père était bailli du Defnascir du Sud, dit
Beocca, faisant descendre l’homme sur l’échelle sociale. Mais il a laissé des
biens à Mildrith. Une belle portion de terre près d’Exanceaster.
    — La fille d’un bailli et non d’un ealdorman ?
    — Elle a seize ans, je crois, dit-il en contemplant la
grève qui glissait à l’est.
    — Seize ans, répétai-je d’un ton méprisant. Et point
encore mariée. Elle doit être aussi belle qu’un sac d’asticots.
    — Cela n’a point de rapport, grommela-t-il, fâché.
    — Ce n’est point vous qui devrez coucher avec elle. Et
elle est sans doute pieuse ?
    — C’est une bonne chrétienne, je suis heureux de le
dire.
    — Vous l’avez vue ?
    — Non, avoua-t-il, mais Alfred lui a parlé.
    — C’est de lui que vient l’idée ?
    — Il aime que ses hommes aient leurs racines dans la
terre.
    — Je ne suis point son homme, mon père. Je suis Uhtred
de Bebbanburg, et les seigneurs de Bebbanburg n’épousent pas des gueuses de
basse extraction, et laides de surcroît.
    — Tu devrais la rencontrer, insista-t-il. Le mariage
est chose merveilleuse, Uhtred, conçue par Dieu pour notre félicité.
    — Je suis déjà heureux. Je trousse Brida, je tue des
Danes. Trouvez un autre homme à cette Mildrith. Pourquoi ne l’épousez-vous
point ? Bon Dieu, mon père, vous devez avoir trente ans ! Si vous ne
vous mariez point bientôt, vous mourrez puceau. Êtes-vous puceau ?
    Il rougit mais ne répondit pas, car Leofric revenait vers
nous, le visage sombre. Sans doute s’était-il disputé avec Alfred. Le roi
arriva à son tour, l’air sereinement indifférent. Deux de ses prêtres le
suivaient, chargés de parchemins, d’encre et de plumes, et je compris qu’on
avait pris des notes.
    — À ton avis, Uhtred, quel est l’équipement capital
d’un navire ? me demanda Alfred. (L’un des prêtres trempa sa plume dans
l’encre en prévision de ma réponse, et vacilla alors que le navire sautait une
vague. Dieu sait à quoi devaient ressembler les notes prises ce jour-là.) La
voile ? me souffla Alfred. Les lances ? Les archers ? Les
boucliers ? Les rames ?
    — Les seaux.
    — Les seaux ?
    Il me considéra d’un air réprobateur, me soupçonnant de
moquerie.
    — Pour écoper le navire, mon seigneur, dis-je en
désignant du menton le ventre del’ Heahengel, où quatre hommes
écopaient l’eau et la jetaient

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