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Le dernier royaume

Le dernier royaume

Titel: Le dernier royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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avait ordonné d’épargner. Les autres n’étaient qu’un tas
sanglant dont nous prîmes armes, armures et vêtements, laissant les corps
blancs aux mouettes. Leur vieux navire qui prenait l’eau fut remorqué jusqu’à
Hamtun.
    Alfred était satisfait. En vérité, il avait laissé six
vaisseaux s’échapper, mais c’était tout de même une victoire dont la nouvelle
encouragerait ses troupes à se battre au nord. L’un des prêtres interrogea les
prisonniers en consignant les réponses. Alfred posa lui-même quelques
questions, puis il revint me trouver au gouvernail et regarda le sang qui
coulait de ma cheville et souillait le pont.
    — Tu t’es bien battu, Uhtred.
    — Vous vous êtes mal battu, mon seigneur, répondis-je.
    Et c’était la vérité. Le mur des Danes avait résisté, et
s’ils n’avaient pas fui pour sauver leurs navires, ils auraient très bien pu
nous repousser à la mer. Je n’étais pas satisfait. Certains jours, il arrive
que l’épée et le bouclier paraissent plus lourd, l’ennemi plus rapide. Cela
avait été ainsi. Je m’en voulais.
    — Tu as parlé à l’un d’eux, m’accusa Alfred. Je t’ai
vu. Tu parlais à l’un de ces païens.
    — Je lui disais, mon seigneur, que sa mère était une
catin, son père un étron de l’enfer et ses enfants des crottes de fouine.
    Il frémit. Alfred n’était pas un couard et il connaissait la
fureur de la bataille, mais il n’aimait point les insultes qu’hurlaient les
hommes. Je crois qu’il aurait voulu que la guerre soit élégante. Il contempla
le soleil couchant qui teintait de rouge le sillage del’ Heahengel.
    —  L’an que tu m’as promis sera bientôt terminé,
dit-il.
    — Je le sais, mon seigneur.
    — Je prie pour que tu demeures avec nous.
    — Quand Guthrum viendra, mon seigneur, sa flotte noircira
la mer et nos douze navires seront écrasés. (Je pensais que c’était sur ce
point que Leofric et lui s’étaient querellés. Qu’il était futile d’essayer
d’arrêter un débarquement avec nos douze vaisseaux si mal calfatés.) À quoi
servirai-je si la flotte n’ose point prendre la mer ?
    — Tu dis vrai, répondit Alfred. Mais les équipages
peuvent se battre à terre. Leofric m’a dit que tu étais l’un des meilleurs
guerriers qui soient.
    — C’est qu’il ne s’est jamais vu combattre lui-même,
mon seigneur.
    — Viens me parler lorsque l’an sera écoulé, et je te
trouverai ta place.
    — Oui, mon seigneur, dis-je du ton de celui qui entend
mais n’obéira point.
    — Uhtred, quiconque commande mes troupes doit savoir
lire et écrire.
    — Pour lire les psaumes, mon seigneur ? demandai-je,
sarcastique.
    — Pour lire mes ordres, répliqua-t-il froidement, et
m’envoyer des nouvelles.
    — Oui, mon seigneur, répétai-je.
    Des fanaux avaient été allumés sur les eaux d’Hamtun, et la
lune et les étoiles se reflétaient dans les vaguelettes tandis que nous
gagnions notre ancrage. À terre, il y avait des lumières, des feux, des rires,
à manger et à boire, mais, plus que tout, la promesse de retrouver Ragnar.
     
    Ragnar prit un grand risque, bien sûr, en revenant à
Heilincigæ, mais peut-être pensait-il, à raison, que nos navires auraient
besoin de se remettre de la bataille. Il y avait des blessés à soigner, des
armes à affûter, et aucun de nos navires ne prit la mer ce jour-là.
    Brida, Nihtgenga et moi traversâmes les lieux, passant
devant les cadavres danes de la veille, déjà déchiquetés par les mouettes, les
cabanes incendiées des pauvres hères qui vivaient de la pêche avant la venue
des Vikings, puis, alors que le soleil se couchait, nous transportâmes des
débris de bois sur le rivage et j’allumai un feu avec un silex et une pièce
d’acier. Les flammes jaillirent dans le crépuscule et Brida me montra la
silhouette de la Vipère qui se découpait sur le ciel sombre et arrivait
à l’embouchure du lac. Les derniers rayons du couchant rougeoyaient sur la mer
et sur la figure de proue.
    Je la contemplai, songeant à l’effroi que ce spectacle
suscitait en Anglie. Partout où se trouvait une rivière, un port, l’embouchure
d’un fleuve, on y redoutait l’arrivée des Danes. On craignait ces proues
sculptées de monstres, les hommes à bord de ces bateaux, et l’on priait pour
être épargné par la fureur des Norois. J’aimais les voir. J’aimais la Vipère
de Vent. Ses rames se soulevaient et retombaient, j’entendais

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