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Le dernier royaume

Le dernier royaume

Titel: Le dernier royaume Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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leur
grincement dans les écoutilles garnies de cuir, et je devinais des hommes vêtus
de cottes de mailles à la proue. Puis la quille racla le sable et les rames
s’immobilisèrent.
    Ragnar descendit l’échelle sur le flanc du navire. Il était
seul. Vêtu d’une cotte de mailles, coiffé de son casque, une épée au côté. Une
fois à terre, il gagna les flammes du pas du guerrier qui demande vengeance. Il
s’arrêta à un jet de lancer et me fixa par les trous noirs de son casque.
    — As-tu tué mon père ? demanda-t-il durement.
    — Sur ma vie, répondis-je, sur Thor, ajoutai-je en
sortant mon amulette et en la serrant dans mon poing, sur mon âme, je ne l’ai
point tué.
    Il retira son casque, s’avança et nous nous étreignîmes.
    — Je le savais, dit-il.
    — C’est Kjartan qui l’a tué. Nous l’avons vu faire.
    Brida et moi lui narrâmes toute l’histoire. Notre nuit dans
la forêt à surveiller le charbon, le château incendié sous nos yeux impuissants
et le massacre de tous ses habitants.
    — Si j’avais pu en tuer un seul, dis-je, je l’aurais
fait, et je serais mort ce faisant, mais Ravn disait toujours qu’il devait y
avoir un survivant pour tout raconter.
    — Qu’a dit Kjartan ? interrogea Brida.
    — Kjartan a prétendu, répondit lentement Ragnar, que
les Angles s’étaient soulevés et avaient attaqué le château, menés par Uhtred,
et qu’il s’était vengé sur ces assassins.
    — Et tu l’as cru ? demandai-je.
    — Non. Trop de gens disaient qu’il était coupable, mais
il est le jarl Kjartan, désormais. Il a trois fois plus d’hommes que moi.
    — Et Thyra ? demandai-je. Qu’a-t-elle dit ?
    — Thyra ? répéta-t-il, interloqué.
    — Thyra a survécu, lui appris-je. Sven l’a emmenée.
    Il me fixa sans un mot. Il ignorait que sa sœur était en
vie, et je vis la colère se peindre sur son visage. Il leva la tête vers les
étoiles et hurla comme un loup.
    — C’est la vérité, dit doucement Brida. Ta sœur a
survécu.
    Ragnar tira son épée, la posa sur le sable et posa la main
droite sur la lame.
    — Si c’est la dernière chose que je doive faire,
jura-t-il, je tuerai Kjartan, son fils et ses partisans. Tous !
    — Je t’y aiderai, dis-je. (Il me regarda à travers les
flammes.) J’adorais ton père, et il me traitait comme un fils.
    — J’accepte volontiers ton aide, Uhtred, répondit-il
cérémonieusement. (Il essuya le sable de la lame et la rengaina dans son
fourreau doublé de peau de mouton.) Viendras-tu avec nous, à présent ?
    J’étais tenté. Je fus même surpris de l’être autant. Je
voulais partir avec Ragnar, retrouver la vie que j’avais vécue avec son père.
Mais le destin nous gouverne. J’avais promis à Alfred de rester encore quelques
semaines, et j’avais combattu aux côtés de Leofric pendant tous ces mois. Et se
battre à côté d’un homme dans le mur de boucliers forge des liens aussi forts
que ceux de l’amour.
    — Je ne puis, dis-je, regrettant de ne pouvoir
accepter.
    — Moi si, dit Brida.
    Curieusement, cela ne m’étonna point. Elle se sentait
prisonnière, inutile, indésirable, et je crois qu’elle regrettait la vie des
Danes. Elle détestait le Wessex, ses prêtres, leur réprobation, leur refus de
tout ce qui était plaisir.
    — Tu es témoin de la mort de mon père, lui dit Ragnar,
tout aussi cérémonieusement.
    — Je le suis.
    — En ce cas, je t’accueille volontiers, dit-il avant de
me regarder à nouveau.
    Je secouai la tête.
    — J’ai donné ma parole à Alfred. À l’hiver, je serai
libéré de mon serment.
    — Alors rejoins-nous à l’hiver, dit Ragnar, et nous
ferons voile sur Dunholm.
    — Dunholm ?
    — C’est désormais la forteresse de Kjartan. Ricsig l’y
laisse habiter.
    Je songeai à la place forte de Dunholm sur sa saillie
rocheuse, entourée par la rivière, protégée par des rocs, de hauts murs et une
solide garnison.
    — Et si Kjartan marche sur le Wessex ?
    — Il n’ira point, car il ne va pas où je vais. Aussi
dois-je aller à lui.
    — Il te craint, alors ?
    Ragnar sourit. Si Kjartan avait vu ce sourire, il aurait
tremblé.
    — Il me craint, dit-il. J’ai appris qu’il avait envoyé
en Irlande des hommes pour me tuer, mais leur navire s’est échoué. Il nie avoir
tué mon père, mais il me craint malgré tout.
    — Une dernière chose, dis-je en faisant signe à Brida,
qui sortit la bourse de cuir contenant l’or, le

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